Dans les caves de l'ancien service de santé des armées, de sinistre mémoire depuis que la gestapo en a fait des cellules de torture pendant l'Occupation, a poussé un beau gazon vert vif. C'est sur cette herbe grasse que le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD), qui occupe désormais les lieux, a disposé les pièces de sa nouvelle exposition : "objets de résistance". "On a choisi ce gazon pour rappeler que la résistance s'ancre dans le terroir, dans la vie quotidienne, avec une extraordinaire vitalité" explique Isabelle Doré-Rivé, directrice du CHRD. "On a beaucoup parlé du côté doloriste des "martyrs" de la résistance, et c'est important. Mais les résistants étaient aussi des jeunes gens, souvent très jeunes, gais et joyeux !" poursuit-elle. Pour signifier la vitalité, la gaieté insouciante en même temps que la fragilité de cette époque, la scénographie de l'exposition part très librement et multiplie les plans inclinés. Les objets de l'exposition sont présentés dans des boîtes en verre délibérément penchées et éclairées par de simples bougies fixées dans des boîtes de conserve grossièrement ouvertes. C'est joli, rustique, champêtre... et cela contraste effectivement beaucoup avec la gravité habituellement de mise pour aborder cette période. Les objets eux-mêmes apportent un humour et une malice bien venus, même si le fond reste malheureusement tragique. Ainsi de ces étoiles jaunes marquées des mots "swing", "zazou" ou "auvergnat" datant de juin 1942. "C'est une forme de résistance humoristique mais aussi extrêmement courageuse" commente Isabelle Doré-Rivé. En regard de ces étoiles, une ordonnance de police atteste en effet de l'arrestation d'un "aryen de 16 ans porteur d'une insigne fantaisiste "swing", et de sa terrible sanction : "internement à Drancy".
L'objet le plus étonnant est un lance-tract réalisé à partir d'une tapette à souris
Pour concevoir cette exposition, le CHRD a puisé dans ses collections riches de 1500 pièces (armes, uniformes, affiches, etc.) essentiellement collectées dans les années 60 et 70 par les anciens résistants eux-mêmes. La résistance ayant longtemps été considérée comme une affaire militaire, l'exposition présente quelques armes. "C'était un enjeu stratégique pour les résistants et ces armes étaient des objets courants : 200 000 mitraillettes Sten ont été parachutées en France" rappelle la directrice du CHRD. Pourtant, pour cette exposition, le musée a privilégié des objets plus inattendus, souvent très astucieux comme ce sac à main à double paroi servant à transporter des messages secrets ou un faux livre en bois contenant une petite caméra. Rien à voir pourtant avec les gadgets high-tech à la James Bond : vu de près, le livre est tellement grossier qu'on se demande comment il a pu faire illusion...
Sans conteste, l'objet le plus étonnant est la reconstitution d'un lance-tract réalisé à partir d'une tapette à souris, utilisé à Toulouse en 1940, lors du passage du cortège du maréchal Pétain. Un récipient percé, préalablement rempli d'eau, permettait de déclencher à distance la tapette à souris et de disperser ainsi, depuis les toits, une pluie de tracts clandestins.
Les objets sont présentés dans différentes séquences, dont la première est intitulée "l'objet symbole". On y trouve une croix de Lorraine, un drapeau FFI ou une émouvante lampe-tempête de l'île de Sein d'où partirent, en juin 1940, 129 pêcheurs, soit l'ensemble des hommes de l'île, pour rejoindre De Gaulle à Londres. "L'objet détourné" présente tous les éléments nécessaires à la réalisation de faux papiers ou encore un exemplaire du "faux" Nouvelliste diffusé massivement dans les kiosques le 31 décembre 1943. Avec "l'objet diffusé", on découvre machines à écrire, tracts et journaux et avec "l'objet guerrier", revolvers, parachute et container pour pigeon voyageur et messages codés. Plus poignants, une croix sculptée à Ravensbrück dans un manche de brosse à dents ou le journal d'un séminariste déporté à Dachau figurent parmi les "objets de la détention". Enfin, "l'objet de la commémoration" réunit cahiers d'écolier, lettres de condamnés, médailles et autres croix de guerre. Chacun de ces objets est porteur d'une petite et grande histoire.
Disposé sur le gazon, un objet familier se détache : une bicyclette, emblématique d'une résistance au quotidien, constamment en mouvement pour déjouer l'ennemi. C'est le vélo d'un résistant abattu en 1943, et qui n'a jamais plus roulé depuis.
Objets de résistance, jusqu'au 31 août au CHRD, 14 avenue Berthelot, Lyon 7e. 04 78 72 23 11. Ouvert du mercredi au dimanche.
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