Pour ce troisième volet de son cycle Les Oratorios retrouvés, l’ensemble Céladon déterre un nouveau chef-d’œuvre oublié du premier baroque italien, Il Trionfo della Grazia d’Alessandro Scarlatti.
Voilà vingt-cinq ans que l’ensemble Céladon, fondé en 1999 par Paulin Bündgen, nous ravit de ses productions successives. C’est autour de la voix de contre-ténor de son leader et directeur artistique que s’articulent les premiers répertoires.
Médiéval, Renaissance, baroque : le jeune ensemble manifeste vite une attirance pour les œuvres méconnues et se distingue par une originalité dans la composition des programmes – on se souvient notamment du spectacle No Time in Eternity qui mettait en miroir les “consort songs” (pièces pour ensemble de violes de gambe et contre-ténor) élisabéthains de William Byrd ou Christopher Tye et la musique contemporaine de Michael Nyman écrite pour la même formation.
Au fil du temps, les formules légères des débuts (chant et basse continue) laissent la place à des effectifs instrumentaux plus étoffés permettant d’aborder des formes lyriques telles que l’oratorio italien.
C’est en partenariat avec la direction de la chapelle de la Trinité et Les Grands Concerts que ce dernier projet fou devient possible : réhabiliter trois oratorios oubliés. Grâce au statut de résident de long terme à la chapelle de la Trinité, Bündgen et ses acolytes peuvent donner libre cours à leurs envies et ce sont trois œuvres rares du XVIIe siècle italien qui vont revoir le jour. Sources incomplètes, traductions absentes, matériel d’orchestre inexistant : c’est grâce à un travail musicologique minutieux assuré par l’ensemble, à partir des manuscrits disponibles, que ces recréations sont rendues possibles.
Jeunesse vs pénitence
Après L’Offerta del Core Humano de Giovanni Legrenzi en 2021 et L’Uomo in Bivio d’Antonio Giannettini en 2023, c’est au tour d’Il Trionfo della grazia d’Alessandro Scarlatti de renaître de ses cendres dans une version inédite tirée du premier manuscrit du compositeur, celui de Rome daté de 1685. Partageant sa carrière entre Naples et Rome, Alessandro Scarlatti – bien que moins connu que son fils Domenico, célèbre pour ses Sonates pour clavier – est un compositeur majeur du baroque italien qui s’illustre à travers ses nombreux opéras et oratorios au point d’être souvent considéré comme le fondateur de l’école napolitaine d’opéra dont l’influence se fera sentir jusqu’à Mozart.
Il Trionfo della grazia (également appelé Madeleine pénitente), qu’il compose à seulement vingt-quatre ans, doit son livret au cardinal Benedetto Pamphilj. L’argument teinté de didactique met en scène la tension entre Bien et Mal ou le passage de la satisfaction insouciante de désirs excessifs propres à la jeunesse à un repentir chrétien empreint de sagesse.
Parmi les trois protagonistes de l’oratorio, on retrouve bien sûr Marie Madeleine associée à deux allégories : la Jeunesse et la Pénitence. C’est au prix d’un renoncement aux plaisirs terrestres au profit de la Pénitence et des joies célestes qu’elle laisse entrevoir que Madeleine trouvera la voie.
Suite à l’immense succès lors de sa création à Rome, l’oratorio, fort de son inventivité et de la qualité de sa partition, sera repris dans toute l’Italie et jusqu’à Vienne en 1707 !
Contrairement à l’usage de l’époque qui prescrit toute forme de représentation, eu égard à la dimension sacrée de la forme oratorio, Paulin Bündgen a choisi de mettre en scène (lui-même) l’œuvre, confiant les costumes à Marie Odin et la création lumière à Mathieu Sohier.
Il Trionfo della grazia – Dimanche 11 février à 17 h à la chapelle de la Trinité – www.lesgrandsconcerts.com