La Confluence, extrémité de la presqu’île lyonnaise à la pointe de laquelle se joignent les eaux du Rhône et de la Saône, fut le cadre de nombreux projets qui, pour la plupart, n’ont jamais abouti. Napoléon avait le sien. Dans la ville qu’il pressentait pour devenir capitale de l’Empire, un palais devait s’élever à la place des marais. Il ne sera jamais construit. A quelques jours de l'inauguration du pôle de loisirs et de commerces Lyon Confluence, Lyon Capitale vous propose l'histoire des projets inachevés.
Durant de nombreuses années, les lieux sont avant tout réservés à la promenade sous les tilleuls. Cependant, dès 1677, l’architecte Jules Hardouin-Mansart présente au gouverneur de la ville un plan qui permettrait de gagner 380 000 mètres carrés en comblant un bras d’eau qui sépare alors la presqu’île de l’île Mogniat. Ce projet en avance sur son temps vise à faire du territoire un centre administratif, au milieu de jardins, composé de l’hôtel des Monnaies, d’un palais de justice, d’un palais de l’Intendance, du palais du gouverneur, ainsi que d’une prison, des archives, d’un théâtre, de la Bourse et de bien d’autres structures nécessaires à la ville. Un système de cascades utilisant l’eau du Rhône doit alimenter fontaines et bassins. Mais les finances de la cité, exsangue suite à l’incendie de l’hôtel de ville en 1674, empêchent le projet de voir le jour.
Repousser le rendez-vous des eaux jusqu'à la Mulatière
En 1738, Guillaume Delorme présente à son tour ses idées pour la Confluence. Là encore, l’île Mogniat devait être reliée à la Presqu’île. Des copies d’immeubles de la place Bellecour devaient voir le jour, surplombant des ateliers et un immense bassin, ainsi qu’une grande promenade sur l’île Mogniat. Le projet tombe à son tour dans l’oubli, jusqu’à ce que Michel-Antoine Perrache l’adapte à son tour en 1766. Il souhaite lui aussi assécher cet éternel bras d’eau entre l’île Mogniat et le reste de la ville, et veut repousser les fleuves jusqu’à la Mulatière. Des commissaires-enquêteurs sont saisis par le Consulat, qui rejette le projet en lui reprochant d’entraîner la formation d’un marais propice aux maladies.
Loin de baisser les bras, Michel-Antoine Perrache retente sa chance en 1769 et propose alors de modifier le lit du Rhône, d’abattre les remparts et de créer une digue jusqu’à l’île Mogniat. Les nouveaux lieux accueilleraient une place de 185 mètres carrés où trônerait une statue du roi à cheval. Cette fois, la décision lui est favorable. La Compagnie Perrache est fondée, et les travaux commencent dès 1772. En 1777, les remparts sont effacés, mais la mort de Perrache, en 1779, met à mal son projet. À la tête de la compagnie, sa sœur Marie Anne ne parvient pas à renverser la vapeur. La crue de 1783 a définitivement raison des idées de Perrache, bien que la réunion de la Saône et du Rhône est repoussée un peu plus au sud.
Le palais de Napoléon
En 1805, Napoléon s’intéresse à son tour à la Confluence. Curten l’Aîné livre ses plans, qui permettront d’aménager le site dans le prolongement d’un palais impérial. Située idéalement entre Paris et l’Italie, Lyon est géographiquement une capitale idéale pour Napoléon. Les travaux débutent, des canaux et des mares sont comblés et asséchés. En 1810, la construction d’une digue de 5,60 mètres de haut le long de la Saône débute. 3 000 hommes se relaient, les bateaux n’arrêtent pas de déverser leur flot de remblais. Mais la chute de l’Empire entraîne la fin des travaux. Le rêve de Napoléon ne verra jamais le jour. Les marais insalubres continueront d’empester le sud de la ville, apportant avec eux leur lot de maladies.
La première moitié du XIXe siècle marque un tournant, de plus en plus de Lyonnais s’installent dans le quartier. En 1823, la Ville se porte acquéreur de l’île Mogniat. Le maire, Lacroix-Laval, fait publier un appel d’offres, en français mais aussi en anglais et en allemand. Il souhaite transformer Perrache en quartier industriel. La ligne de chemin de fer entre Lyon et Saint-Étienne renforcera par la suite cette vision. Une première gare est construite en 1829, bien plus au sud que celle que nous connaissons actuellement ; une seconde voit le jour en 1845. Cependant, la véritable gare Perrache ne s’élèvera qu’en 1857. Le quartier Perrache sera alors durant de longues années la zone où l’on repousse l’industrie nauséabonde et où l’on stocke les marchandises tandis que la Confluence traîne l’image d’un lieu mal famé que l’on préfère oublier. Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour qu’il retrouve enfin ses lettres de noblesse.