Littérature : « Houris » de Kamel Daoud, un Goncourt de Noël 

Kamel Daoud est un écrivain courageux qui transgresse les interdits, surtout quand ceux-ci sont infondés, injustes. Il n’a jamais été aussi inspiré. 

“Car oui, mon ange, Les Émirs, les Princes, excellaient à brûler les enfants durant cette guerre dont personne ne peut jurer des faits aujourd’hui. Les brigades ont brûlé des nouveau-nés dans des fours de cuisine, ils ont éventré des femmes et découpé des têtes pour les poser au seuil des maisons, et égorgé des fillettes pour le plaisir de Dieu. À la fin de l’année 1999, deux d’entre elles étaient enroulées dans une grosse couverture surmontée d’un dessin de tigre alors que l’année et le siècle expiraient dans un bruit de papiers et de vent sur le toit. L’une a fermé les yeux et les a rouverts à Oran, l’autre ne les ouvrira plus jamais.” 

On ne peut pas dire que le dernier roman de Kamel Daoud, Houris, couronné par le prix Goncourt 2024, soit particulièrement joyeux. Compte tenu du sujet, il ne peut pas l’être. Mais il a d’autres qualités. L’héroïne du roman s’appelle Aube, elle porte la marque indélébile sur sa gorge d’une nuit où, petite fille âgée de cinq ans, des djihadistes tentèrent de l’égorger. Sa cicatrice, sa canule et son souffle affaibli rappellent à tous ceux qui la croisent les crimes impunis. Elle a le dangereux don de réveiller les consciences intranquilles.

C’est essentiellement sa parole que l’on entend durant les 400 pages fébriles que compte le livre. Aube s’adresse à la fille pas encore née que son ventre abrite, comme un trésor maudit. Lui laissera-t-elle la possibilité de naître dans un pays où être femme vous condamne à la souffrance, au malheur ? C’est la question qui confère au roman une sorte de suspense, littéralement vital. Tandis que Kamel Daoud, par cette parole d’Aube, égrène les malheurs, les horreurs qui caractérisèrent la décennie noire, de 1992 à 2002, en Algérie. Une guerre civile de “tous contre tous”, entre les islamistes et tous les autres. Une guerre qu’une loi algérienne, promue en 2005, interdit d’évoquer. Comme si cette mémoire devait être à tout jamais effacée. 

Houris – Kamel Daoud, éditions Gallimard, 416 p., 23 €. 

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