Ce qui a poussé la romancière, poétesse et traductrice britannique A. K. Blakemore (Amy Katrina Blakemore) à s’intéresser au Glouton de Lyon, qui vécut à la fin du XVIIIe siècle, en pleine période révolutionnaire, nous n’en savons rien. Mais l’on peut supposer que c’est l’incroyable – et courte – destinée de ce jeune homme doté d’un appétit insatiable qui a titillé la créativité de l’autrice.
Quoi qu’il en soit, elle s’est inspirée de ce singulier personnage pour écrire son roman Le Glouton. Le Glouton, c’est Tarare, ainsi prénommé parce qu’il est né non loin du village du même nom (à 40 kilomètres de Lyon). Sa mère se prostitue, son père, alcoolique, est mort, abandonné au bord d’un chemin. Il ne manque pourtant de rien durant son enfance : sa génitrice s’est trouvé un nouveau compagnon qui se livre au très lucratif trafic de sel.
Mais à 16 ans, lorsque Tarare révèle naïvement à d’autres voyous les activités illicites de son père d’adoption, celui-ci, après que leur maison a été mise à sac, se venge sur l’adolescent avec une brutalité inouïe. Laissé pour mort, Tarare s’en sort par miracle.
Mais il souffre dorénavant d’une caractéristique singulière, et à vrai dire monstrueuse : il est capable d’engloutir des quantités ahurissantes de tout ce qui passe à sa portée, objets, êtres inanimés ou… vivants. Son estomac peut tout digérer : un plein seau de pommes pourries comme le cadavre avarié d’un chat.
Cet horrible don est utilisé par la bande de Bohémiens qui le prend sous son aile : il devient une bête de foire et se produit sur les places des bourgs qu’ils traversent en direction de la capitale. Après un mauvais coup, il s’engage dans l’armée révolutionnaire où il devient une sorte d’espion. Avant d’être capturé par l’armée prussienne, relâché dans un état de santé critique.
On le retrouve prisonnier sur un lit d’hôpital, à la merci des médecins qui veulent le découper pour étudier ses facultés digestives hors du commun… Écrit dans une langue à la force d’évocation inouïe, le roman dépeint un personnage hors du commun aussi bien que le contexte historique et social dans lequel il évolue.
Le Glouton – A. K. Blakemore (traduit de l’anglais par Françoise Adelstain), éditions Globe, 384 p., 24 €.