Prix Goncourt 2011 avec L’Art français de la guerre, Alexis Jenni a depuis quelques années abandonné son métier d’enseignant, et la ville de Lyon. Établi à Paris, il se consacre désormais à l’écriture, publiant un nombre impressionnant d’ouvrages, “comme une poule pondeuse” dit-il lui-même. Son dernier roman, La Beauté dure toujours, mérite d’être distingué.
Il y a presque deux siècles, en 1822, Stendhal publiait De l’amour, un livre tenant à la fois de l’essai psychologique et du roman autobiographique. Il s’y livrait à une analyse serrée de la passion, théorisant notamment le phénomène de “cristallisation amoureuse”, tout en narrant ses propres déboires sentimentaux.
Le dernier roman d’Alexis Jenni, prix Goncourt 2011 avec L’Art français de la guerre, connaîtra-t-il une telle postérité ? En tout cas, il reprend, à sa manière, l’éternel sujet de l’amour. “J’éprouvais une sorte d’épuisement émotionnel face aux choses horribles que j’ai pu écrire jusque-là. La guerre, la violence, la mort... J’avais aussi cette idée un peu agacée en voyant que les romans d’amour se concentrent surtout sur l’exaltation des débuts. Ou bien ils traitent de la fin, de la déliquescence du couple. C’est le syndrome ‘Un homme et une femme’. Je voulais écrire sur ce qu’il se passe entre ces deux moments. J’avais envie de répondre à la question ‘Pourquoi on reste ensemble et comment on vit ensemble ?’”.
“Pourquoi on reste ensemble et comment on vit ensemble ?”
Il s’est magistralement sorti du défi qu’il s’était fixé ; en mettant en scène un couple de deux tourtereaux ayant la particularité d’avoir passé le cap du demi-siècle, tout comme l’écrivain. Ce qui n’est pas un hasard.
Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, nonobstant leur âge respectable, l’amour qui unit Félice et Noé est extrêmement physique. Malgré le temps qui a passé, qui continue de passer, le désir est entre eux d’une intensité intacte. Il y a quelque chose de rare, sinon de miraculeux, dans leur relation. C’est en tout cas ce que pense le narrateur du roman, dont la voix, et le point de vue – ironique –, se mêle à celles des deux amants.
Il tente de trouver les mots pour décrire la passion qui anime le dessinateur et l’avocate. Il y parvient d’ailleurs, faisant entrer le lecteur dans les mystères, les secrets, les non-dits et les méandres de cet amour infini. Thème rebattu certes… Mais que Jenni parvient à renouveler tant il trouve le ton juste. Aussi bien pour pénétrer le noyau intime du couple que pour dépeindre la vie extérieure que mènent les amants ou le narrateur.
On assiste ainsi à une échappée chez les Gilets jaunes, mouvement que l’écrivain parvient à saisir avec une touchante empathie. Ou bien à un dîner littéraire, auquel est confié un autre écrivain qui ressemble furieusement à Michel Houellebecq, décrit avec un humour irrésistible.