Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók
Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók © Bernard Stofleth

Festival : l’Opéra enfonce des portes !

En mars, il n’y a pas que les bourgeons qui pointent le bout de leur nez. C’est aussi le cas du festival printanier organisé par l’Opéra de Lyon : trois opéras présentés en simultané et cinq siècles de musique balayés !

Le Festival d’Opéras est de retour avec ses trois opéras réunis sous une même bannière thématique, ici “Franchir les portes”. Portes ouvertes et bruits de couloirs, portes fermées pour l’enfermement ou le secret bien gardé : les trois œuvres au programme exploitent chacune à leur façon le potentiel évocateur et la fonction de cet objet de la vie quotidienne.

Esthétiquement éloignées, les œuvres le sont aussi par leur date de composition. Du XVIIe siècle de Monteverdi au XXIe de Haas, c’est quasiment cinq siècles de musique qui seront abordés.

Plat de résistance du festival, Les Noces de Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart sera à l’affiche pour appâter le chaland avec sa grâce et son évidence. Opéra bouffe inspiré du Mariage de Figaro de Beaumarchais, Les Noces est le premier volet du triptyque issu de la collaboration entre Mozart et le librettiste Lorenzo da Ponte.

Justes noces malgré la censure

Créée en 1786, la genèse de l’œuvre s’avéra un brin chaotique. À l’instar de Louis XVI qui censura l’œuvre de Beaumarchais trois années durant avant de s’incliner, Joseph II, empereur du Saint-Empire romain germanique, en fit de même et c’est Mozart en personne qui convainquit le souverain d’autoriser la création de son opéra au prix de nombreuses coupes.

Le livret fut ainsi délesté de “tout ce qui peut choquer” et notamment toute allusion à la justice. C’est ainsi que le procès, morceau de choix des Noces, disparut purement et simplement, dédouanant le comte d’être à la fois juge et partie. Qu’à cela ne tienne, l’œuvre connaît un succès retentissant et son potentiel subversif (malgré la censure) n’y sera pas étranger.

Pour cette nouvelle production, l’Opéra de Lyon a fait appel au cinéaste Olivier Assayas dont la mise en scène mettra en lumière les aspects sociaux, voire politiques, de la narration.

Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók © Bernard Stofleth

Derrière la porte : le sang

Avec Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók, c’est un bond d’un siècle et demi qui s’opère. Le compositeur et son librettiste Béla Balázs reprennent à leur compte le mythe de Barbe-Bleue dans un opéra fulgurant d’une heure à peine. Cruel et sanguinolent, l’unique opéra composé par Bartók s’inscrit merveilleusement dans la thématique des portes qu’on compte au nombre de sept dans le conte de Perrault. Derrière chacune, un secret, une énigme… et le sang des anciennes épouses du féroce féminicide.

La partition, elle, est d’une beauté sans égale, majestueuse par son lyrisme et son orchestration magnifique.

Tirant parti de la courte durée de l’opéra, le metteur en scène ukrainien Andriy Zholdak refuse de choisir entre deux lectures de l’œuvre et opte pour une solution pour le moins originale : deux représentations durant la même soirée, deux points de vue comme deux hypothèses du sens plus ou moins caché d’une œuvre jouant sur l’opposition entre amour et cruauté.

Bluthaus de Georg Friedrich Haas, pour finir, n’est pas en reste niveau hémoglobine et barbarie puisqu’on y révèle les sinistres secrets farouchement gardés d’une maison de famille au moment de sa mise en vente par Nadja, la fille des défunts propriétaires.

L’œuvre de 2011-2014, qui relève d’un discours musical, certes contemporain, mais pas si ardu, sera associée par le metteur en scène Claus Guth à deux madrigaux de Claudio Monteverdi datant de 1638 mettant en scène les plaintes déchirantes de femmes condamnées (parce que femmes) à l’enfer du drame amoureux.

Festival d’Opéras – Du 17 mars au 4 avril, à l’opéra de Lyon et au TNP

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