Ça y est, on connaît l’intégralité (ou quasi) de la programmation du festival Lumière 2013, qui se tiendra du 14 au 20 octobre en présence d’un Quentin Tarantino idéalement campé dans les bottes du prix Lumière de cette édition. Une édition évidemment richissime en pépites patrimoniales, qui balaie plus que jamais le spectre de tous les cinémas, de sa création à ses derniers trésors.
“Se garder de toute boulimie”, déclare sans malice Thierry Frémaux en guise d’introduction à la présentation (presque) complète et de note d’intention du festival Lumière. Le cinéphile devra pourtant avoir l’estomac bien solide et les yeux passés au contrôle technique pour se repaître de l’hallucinant programme concocté par une équipe qui fête à la fois ses 5 ans de festival, les 15 ans du hangar Lumière et les 30 ans de l’institut éponyme.
Lequel propose, là encore on cite : “Entre 80 et 100 films et 250 à 300 dans toute l’agglomération lyonnaise. Le tout en 6 jours et 7 nuits. Nous vous avions déjà annoncé une partie de la programmation d’un festival qui s’ouvrira avec Un singe en hiver d’Henri Verneuil [séance complète avant même l’annonce du film !], en présence d’un Bebel qui viendra aussi présenter Le Doulos (de Melville) et L’Itinéraire d’un enfant gâté (de Lelouch), et – peut-être – de l’“insaisissable” Jacques Audiard, cinéaste que l’on sait et ici fils de l’auteur des dialogues cultes du film, Michel Audiard.”
Hommages
On en sait en revanche plus sur la composition des hommages. Période noir et blanc de Verneuil justement : entre autres, Le Président, toujours autant d’actualité, et quelques raretés – La Table aux crevés, Des gens sans importance, Les Amants du Tage ou Le Fruit défendu.
Du grand oublié des années 1970 et du Nouvel Hollywood Hal Hashby : Harold et Maude, le sublime Retour avec Jon Voight et Jane Fonda (sur les ravages du Vietnam), La Dernière Corvée avec Jack Nicholson, En route pour la gloire, son film sur le musicien Woody Guthrie, ainsi que Shampoo avec Warren Beaty, restauré par Glover Crisp*.
D’Ingmar Bergman, des classiques absolus – Les Fraises sauvages, Fanny et Alexandre, Le Septième Sceau – et d’autres, antérieurs et moins renommés, comme Musique dans les ténèbres ou La Prison. L’hommage sera complété par Trespassing Bergman, un documentaire suédois dans lequel certains de ses héritiers cinéastes viennent évoquer leur rapport à l’œuvre du maître, sur sa mythique île de Fårö.
Enfin, doublement, voire triplement (le maître ayant annoncé ces jours-ci sa retraite) justifié, le festival rendra hommage, à l’occasion de leurs 25 ans, aux studios d’animation japonais Ghibli d’Hayao Miyazaki. Seront projetés Princesse Mononoke et Le Tombeau des lucioles, deux des chefs-d’œuvre du maître, qu’on espère voir à Lyon (sous réserve qu’il accepte de sortir de chez lui). Quoi qu’il en soit, ses fans seront comblés par une belle surprise qu’on dévoilera sous peu.
* Spécialiste de la restauration des films, qui viendra présenter Lawrence d’Arabie et expliquer comment son métier a évolué avec le numérique.
Invisibles
À ne rater sous aucun prétexte :
– la version restaurée de Gun Crazy de Joseph Lewis, dans la “collection Art of Noir” du festival (nourrie par Eddie Harris, de la Film Noir Foundation, et le critique Philippe Garnier) – en présence de l’actrice Peggy Cummins, s’il vous plaît
– la première projection mondiale de la copie restaurée du Chanteur de jazz d’Al Jolson, sommet de la section “Du muet au parlant” avec Blackmail, tiré de la période muette d’Hitchcock et, pour l’histoire, Dans la nuit (seul film, muet, réalisé par l’acteur Charles Vanel mais sorti… au moment de l’arrivée du parlant)
– Che strano chiamarsi, Federico ! Docu-fiction d’Ettore Scola (son premier film en dix ans), sur Fellini
– des raretés telles que Parade de Jacques Tati ou Reunion de Jerry Schatzberg, et les jusqu’ici invisibles Une femme douce de Bresson, Pain et Chocolat de Nino Manfredi et Les Derniers de Vittorio Gandolfi.
Quant aux restaurations d’Exodus (Preminger), des 10 commandements (DeMille), de Scarface (celui de De Palma, avec Pacino) et de Voyage au bout de l’enfer (Cimino), on les attend avec presque autant d’impatience que La Porte du Paradis l’an dernier. Même chose pour la Nuit Monty Python, à propos de laquelle les efforts de Lumière pour au mieux convier au pire joindre les Python Cleese, Idle et Palin, sont eux-mêmes dignes d’un de leurs sketchs.
On en oublie, volontairement, parce que tout énumérer prendrait presque autant de temps qu’il faudra en dégager pour aller voir ne serait-ce qu’un dixième de cette pléthorique programmation d’un festival qui, au cœur du choc entre patrimoine et modernité technologique, œuvre à la numérisation des classiques (une foultitude d’avant-premières de films restaurés en plus de celles déjà citées), les rendant ainsi disponibles, au dénichage de copies rares et rendra, nous l’avions déjà évoqué, un hommage au format 35mm dont la disparition est imminente à défaut d’être complètement achevée.
Hitler Dead or Alive
Quoi de mieux alors, puisqu’on garde le meilleur pour la fin, que de remettre le prix Lumière (le 18 octobre à 20h) à un Quentin Tarantino qui ne jure que par le 35 et les copies abîmées et menace même de ne plus tourner si le “film” disparaît ?
Outre, bien sûr, la projection de l’intégrale de son œuvre cinéphile et infiniment plus politique qu’elle n’en a l’air sous le masque de la référence, du second degré et du clin d’œil, le public aura également accès à une partie de ce qui constitue le background culturel, mental et esthétique de l’ancien tenancier de vidéoclub angeleno, scénariste du True Romance de Tony Scott (également projeté) et passé à la réalisation avec Reservoir Dogs presque “par hasard”.
Car, comme promis, le Quentin va débarquer avec quelques pépites rares de son panthéon personnel. Une sélection encore incomplète qui va de High School Confidential de Jack Arnold au Voyou de Claude Lelouch (!) en passant par, accrochez-vous, Le Justicier du Minnesota de Sergio Corbucci, Hitler Dead or Alive (comédie de... 1942), The Three Stooges (trio comique américain culte qui n’a jamais franchi l’Atlantique), ainsi que The Outfit et Rolling Thunder de John Flynn (réalisateur B à qui l’on doit également Haute Sécurité, avec Sylvester Stallone).
Autant dire que ça promet de défourailler sec et que, s’il s’agit de se garder de toute boulimie – ce qui ne semble pas gagné –, rares sont les éditions de Lumière où tant de publics différents auront eu à ce point la possibilité d’être rassasiés.
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Festival Lumière 2013, du 14 au 20 octobre, à Lyon. Billetterie ouverte à partir du mardi 10 septembre.