Le festival Lumière commence ce samedi 13 octobre. Avec à l’affiche une femme, et une femme de grande envergure : Jane Fonda. On pourra redécouvrir son immense, bien qu’inégale, filmographie, au milieu de quelques autres grandes dames du cinéma, notamment Muriel Box. Pour les hommes, outre Fonda père, le programme met à l’honneur Henri Decoin, Richard Thorpe, Jean-Luc Godard... et fête les 50 ans de l’Odyssée de Kubrick.
Bien plus grande que Barbarella
Ceux pour qui la figure de Jane Fonda se réduisait à la silhouette de Barbarella, vague souvenir d’un drôle de fantasme sexuel réalisé par Roger Vadim, son mari d’alors, avec qui elle tourna plusieurs films, ou à une icône du fitness aux millions de VHS, livres et DVD vendus, ont sûrement été surpris de la voir désignée prix Lumière 2018. Mais ont-ils seulement eu vent de l’affaire ? Les autres savent ce que le cinéma doit à l’actrice américaine. Notamment en tant qu’interprète (chez Cukor, Dmytryk, Preminger…), une poignée de classiques tels que Les Félins de René Clément (1964), La Poursuite impitoyable d’Arthur Penn, l’immense et culte On achève bien les chevaux de Sidney Pollack (1969) ou encore La Maison du lac (1981) de Mark Rydell, pour lequel elle partage l’affiche avec son père, Henry, dont ce fut le dernier film. Une carrière couronnée, on l’oublie sans doute un peu vite, par deux oscars : pour Klute d’Alan J. Pakula (1971) et Le Retour d’Hal Ashby (1978).
Si sa filmographie a ensuite pu péricliter dans les grandes largeurs, l’aura de Jane Fonda dépasse de loin celle de ses talents et de sa carrière d’actrice. Soixante-huitarde, militante, féministe, pacifiste, elle incarne également bien plus que des films : un état d’esprit, une époque, une manière d’être au monde qui trouve sans doute un écho dans le mouvement Time’s Up, sans doute pas étranger au choix de Fonda pour figurer au palmarès du “Nobel du cinéma” à l’occasion de sa dixième attribution.
Danielle Darrieux, Catherine Hessling, Muriel Box et Liv Ulmann
Autres femmes mises à l’honneur : Danielle Darrieux – à travers la rétrospective Henri Decoin, dont elle fut l’actrice fétiche (et l’épouse) – et la muse de Jean Renoir, Catherine Hessling, figure du muet, un genre de nouveau à l’honneur avec l’achèvement de l’intégrale Buster Keaton lancée en 2016. Mais aussi, dans le cadre de l’“histoire permanente des femmes cinéastes”, ce cycle qui met chaque année l’accent sur des réalisatrices que le temps et leur genre (pas cinématographique mais physique), souvent combinés d’ailleurs, ont plongées dans l’oubli : Muriel Box.
De la cinéaste, on ne saurait dire grand-chose, malgré ses quinze réalisations et un oscar du scénario obtenu conjointement avec son mari en 1947 – Bertrand Tavernier lui-même, grand historien du 7e art devant l’éternel et président de l’institut Lumière, ne semblait guère avoir entendu parler de la dame jusqu’à il y a peu. Plus connue, Liv Ullmann, l’immense actrice bergmanienne que l’on sait, sera également de la partie à l’occasion d’une rétrospective qui lui est consacrée.
Les 50 ans de 68, c’est pas terminé
Parmi les événements phares du festival, autour de Max Linder, Richard Thorpe et Robert Enrico, notamment, la projection, à la suite de celle de Cannes, de la version restaurée en 70 millimètres de 2001 – L’Odyssée de l’espace, dont on fête les 50 ans – à l’occasion desquels les éditions Actes Sud, partenaires de l’institut Lumière en matière d’édition, publient un ouvrage sur le chef-d’œuvre toujours aussi énigmatique de Stanley Kubrick. Car, oui, 2001 fut l’un des événements de 1968 (lire aussi ici). Cette année-là, on découvrait également Barbarella, et le trouble, pour beaucoup, s’il était bien différent – quel qu’il fût, d’ailleurs –, n’en fut pas moins important.