SELECTION - Véritable marathon de cinéphilie, le festival Lumière a beau être plein de bonnes intentions, il n’en reste pas moins indigeste comme un pudding de Noël, et sa programmation dense comme les évangiles. Faudrait p’têt’voir à se calmer.
Contrairement au nouveau plan Atoubus des TCL qui est hyper bien fichu et s’accompagne de tickets pour voyager gratis (ce qui ne ressemble guère au Sytral, il doit y avoir un piège), on a beau retourner le programme du festival Lumière dans tous les sens, la vérité c’est qu’on n’y comprend rien. Bien sûr, la richesse quantitative de la programmation mise au point par l’équipe de l’Institut Lumière réjouira sans doute le cinéphile au chômage (quelle plus belle raison de se lever à 8 plombes du mat’ que d’aller se faire un Jacques Becker de derrière les fagots en guise de petit-déj’ ?).
Le problème, c’est que le festival Lumière suppose que tous les cinéphiles sont au chômage – ce qui, vu la conjoncture, finira sans doute par être vrai un jour, mais pas aujourd’hui. Il y a encore des gens qui travaillent (ou du moins font semblant). Résultat, combien de cinéphiles frustrés de ne pouvoir s’enfiler l’intégralité de la rétrospective William A. Wellman ? Le patrimoine, c’est bien joli, mais à ce niveau-là c’est du gavage d’oie. Un peu comme si, aux Journées du patrimoine (justement), on vous donnait deux heures pour visiter le Louvre, le Mont Saint-Michel et le musée de la Mine du puits Couriot.
Avec pour impératif d’être revenu à temps pour visiter la préfecture de Lyon en moins de 9’’56. Eh oh, y a pas marqué Usain Bolt ! Tout ça va finir qu’à part la soirée d’ouverture avec la projection de The Artist avec Kad Merad (euh, non, Jean Dujardin, mais y aura sans doute quand même Kad Merad) et la remise du prix Lumière à Kad Merad (euh, non, à Gérard Depardieu), le Lyonnais moyen – vous, moi, nous – ne verra goutte de cette pourtant admirable initiative qu’est un festival de patrimoine de cinéma à Lyon, ville des frères Lumière. Voici donc l’antiguide de rigueur pour s’en sortir sans trop de dommages.
• Biactol
Comme la vie est ironique ! Alors même que les deux remakes de La Guerre des boutons auront à peine fini de s’entretuer (en nous en donnant, à nous, des boutons), pour ce qui restera sans doute la plus grande absurdité de l’histoire de la production cinématographique française – sortir les deux mêmes films à une semaine d’intervalle, dont un avec Kad Merad –, voilà que ressort tranquillement l’œuvre originale d’Yves Robert (1963, voir l'illustration ci-contre), adaptée du roman de Louis Pergaud, celle qui a fait rire des générations de Français (“Si j’aurais su, j’aurais pas venu”, tout ça, lol). Il est donc impératif d’aller voir cette version restaurée juste pour que les deux producteurs de La Guerre des boutons et de La Nouvelle Guerre des boutons (avec Kad Merad) finissent de bouffer leur chapeau. Et qu’on évite un drame du genre La Guerre des boutons font l’Espagne.
• Vas-y, Poupou
De ce côté-ci de l’Atlantique, et aussi un peu de l’autre, William A. Wellman est un genre de Poulidor du western (et pas que, d’ailleurs). Dans l’ombre des géants (Ford, Hawks...), il a pourtant réalisé quelques chefs-d’œuvre, dont deux westerns qui ont le mérite d’ébranler le mythe trop clinquant et manichéen en diable de la conquête de l’Ouest : Convoi de femmes, qui revient sur le rôle de celles-ci dans ladite conquête, et L’Étrange Incident (avec Henry Fonda), une parabole sur le courage (et sa relativité) et sur l’Amérique tout juste entrée dans la Deuxième Guerre mondiale, un film dans lequel la justice et le mythe du cow-boy droit dans ses bottes prennent un coup dans l’aile.
• Horreur, malheur
Corment ? Pardon, comment ? Un hommage à Roger Corman, légende de la série B, l’homme qui forma des Spielberg, Joe Dante, Martin Scorsese, Ron Howard, Coppola, Monte Hellman et compagnie, et même pas une petite rétrospective de ses œuvres les plus barrées – La Petite Boutique des horreurs, Le Masque de la mort rouge (Corman a adapté presque tout Poe, avec le grand Vincent Price devant la caméra), Mitraillette Kelly ? Même pas un petit florilège des productions bouts de ficelle de ses petits protégés ? Tout juste L’Affaire Al Capone, sans doute l’un des films les moins représentatifs de son œuvre. Heureusement qu’un documentaire répare cet impair qu’on n’est pas près d’oublier. Et certainement pas avec l’intégrale Jacques Becker, qui ne forma qu’un cinéaste : son fils, Jean Becker.
• À dada
Fan de PMU, millénariste anxieux et cinéphile au chômage (on dirait bien que c’est votre année, profitez-en), Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse est un film pour vous. Nous parlons ici de la version muet, le chef-d’œuvre de Rex Ingram avec l’immense Rudolph Valentino. Non, là il n’y a pas de blague, c’est juste vraiment un chef-d’œuvre sur la Première Guerre mondiale. Bon, à la fin, entre Peste, Guerre, Famine et Mort, on ne sait pas trop quel est le cheval qui gagne. Il y a photo finish. On dit ça pour le côté PMU.
• Lumière dans la Lune
Cette année, la Nuit de la science-fiction la joue ludique avec un jeu fort amusant qui vous tiendra éveillé jusqu’aux aurores : le “lune/pas lune”. Ayant intitulé sa nuit “De la Terre à la Lune”, le festival y a malencontreusement introduit des films sans rapport avec notre satellite, sauras-tu les retrouver ? Le Voyage dans la Lune (facile, lune), Soleil vert (pas lune), District 9 (pas lune), La Machine à explorer le temps (pas lune), 2001, l’Odyssée de l’espace (fœtus géant). Blague à part, une nuit à ne pas rater, ne serait-ce que pour le chef-d’œuvre de Méliès, colorisé et mis en musique par le groupe Air. En revanche, 2001 en clôture de nuit, on n’est pas sûr de l’idée de génie, vu qu’on avait déjà dormi devant à l’Institut Lumière. Et c’était en pleine journée !
• Première ligne
Bon, allez, c’est la Coupe du monde de rugby, on ne pouvait pas passer à côté. Comme nous, vous ne savez pas quel film de Jacques Becker aller voir (au pire, quittez femme et enfants, louez une voiture de rallye et faites-vous l’intégrale) ? On vous conseille Casque d’Or, LE classique de Becker père (1952, voir l'illustration ci-contre). C’est un grand film à suspense dans lequel le fan de rugby qui sommeille en chaque Français apprend qu’en fait Casque d’Or, c’est pas Jean-Pierre Rives, c’est Simone Signoret (pour les plus jeunes, la grand-mère de l’animateur de Secret Story). Quant à celui qui s’aventurera à dire qu’à la fin de sa carrière elle aurait pu pousser en mêlée, on le fait interdire de festival.
• Du nez
Si l’on regarde attentivement la programmation hommage à Gérard Depardieu, on se demande s’il faut y voir un message comme quoi Gégé n’aurait pas fait un bon film depuis 1991 et Le Visiteur de Satyajit Ray (à ne pas confondre avec LeS VisiteurS, ça c’est Christian Clavier, qui n’est pas près d’avoir le prix Lumière). Néanmoins, pour la séance de clôture, hommage à Gérard Depardieu, le festival Lumière propose le chef-d’œuvre commun de Jean-Paul Rappeneau et de l’acteur, sans lequel le film ne serait sans doute pas le même : Cyrano. Ne serait-ce que pour la scène du balcon où Gégé est bouleversant ou, tiens, la tirade du nez : “C’est un roc… C’est un pic… C’est un cap… Que dis-je, c’est un cap ? C’est une presqu’île… euh une péninsule.” Magnifique.
Lumière 2011 – Grand Lyon Film Festival.
Du 3 au 9 octobre.
www.festival-lumiere.org
'Je suis consterné par cet article. Je ne suis ni chômeur ni cinéphile, et j'ai pourtant su profiter (comme de nombreuses personnes aux vues des salles combles), du festival et de sa très belle programmation. L'auteur de cet article a dû lire le programme un peu à la hâte, car le soir et le week-end étaient plus que fournis en projections.. Je n'y vois là que du mauvais esprit, avec un angle d'attaque relativement peu pertinent. Je suis très déçu par Lyon Capitale, qui permet la parution de tels propos, sous prétexte de vouloir à tout prix écrire un papier 'satirique'. Le terme 'indigeste' prend là toute sa valeur à la lecture de cet article.'
Ce qui me déplait profondément pendant le festival est le nombre de places réservées ( les mieux placées ) alors qu'elles peuvent rester inoccupées; je ne vois pas au nom de quoi on réserve des places aux 'people' idem pour le fait de devoir attendre que monsieur ou madame people daigne arriver faire son speach avant la séance, nous avons ainsi attendu plus de 20 mn pour Montparnasse 19 ou Ben Hur.