De gauche à droite : Anne-Florence Garnier, directrice de production sur Arte, Nicolas Wild et Lucie Castel, auteurs de bande dessinée, à l’occasion du Lyon BD Festival 2018 – © Romane Guigue

Lyon BD : réfugiés et BD, un autre média pour attirer l’attention

À l’occasion du Lyon BD Festival, la série Réfugiés d’Arte a pris la forme d’une exposition inédite à la galerie des Terreaux. Lucie Castel et Nicolas Wild, deux auteurs qui sont partis dans des camps, racontent leur expérience en présence d’Anne-Florence Garnier, directrice de la production d’Arte.

“Nous voulions parler autrement des réfugiés. Et les artistes ont cette capacité à sortir de la problématique journalistique, ils ont une autre vision”, justifie Anne-Florence Garnier, directrice de la production d'Arte. Avec la chaîne, elle décide alors d’envoyer des photographes, des vidéastes et des auteurs de bande dessinée dans des camps de réfugiés. En présence de deux auteurs de bande dessinée, Lucie Castel et Nicolas Wild, elle présente le projet Réfugiés, mené à bien par Arte, qui bénéficie d’une exposition inédite à l’occasion de Lyon BD.

Nicolas Wild, à qui l'on doit la série Kaboul Disco et Ainsi se tut Zarathoustra est parti six jours dans le camp de Beldangi, au Népal, à la rencontre de Boutanais d’origine népalaise. J’étais avec un photographe, l’autre équipe était partie avant nous, se souvient-il. J’ai pratiqué une espèce de journalisme mou : je participais à la vie du camp avec les réfugiés et j’attendais que les anecdotes viennent à moi.” Sur les planches de l’auteur, on le voit se mettre en scène. Il raconte le camp et les personnes qui y vivent. Le photographe avait parfois du mal à travailler parce que, lorsqu’il sortait son appareil photo, les gens s’attroupaient autour de lui et ça l’empêchait de travailler, de prendre de belles photos. Alors il m’envoyait en avant, un peu comme un bouclier”, raconte Nicolas Wild en souriant. Il dessine, croque ce qu’il rencontre : Le premier jour, certains attendaient que je fasse leur croquis, ça m’a dérouillé un peu la main...”

Au bout du monde et en France

“On est parti dans le monde, raconte Anne-Florence Garnier, mais on s’est aussi dit que nous ne pouvions pas oublier ce qu’il se passe en France, à Calais et Grande-Synthe. On y est allé deux fois, avant et après le démantèlement des camps.” Lucie Castel a quant à elle rencontré les personnes qui vivent dans ce qu’il reste de la jungle de Calais, des bâches et des abris de fortune. Très vite, la jeune auteure s’est intéressée au parcours des femmes qui sont arrivées jusqu’à Calais dans l’espoir d’atteindre l’Angleterre. J’ai rencontré deux femmes avec qui j’ai très longuement discuté. Leur histoire avait quelque chose de singulier et d’à la fois formaté, parce que les passeurs conseillent aux réfugiés de dire telle ou telle chose, pour pouvoir plus facilement obtenir leur régularisation. J’ai senti qu’elles me mentaient par moments, qu’elles ne me disaient pas tout, mais c’est leur histoire, alors tant pis si ce n’est pas exact, c’est ce qu’elles m’ont raconté”, confie la jeune femme.

Exposition Réfugiés, à partir de la série d'Arte, création inédite pour Lyon BD 2018 © Romane Guigue

Le dessin, un dialogue

Lucie Castel décide d’extraire quelques planches de sa bande dessinée finale pour la distribuer sur le camp de Calais. “Même si les femmes que j’ai rencontrées n’y sont plus, j’avais envie que mon histoire se retrouve là-bas. Peut-être qu’elles tomberont dessus un jour et elles verront que j’en ai fait quelque chose”, s’émeut la jeune auteure. Lucie Castel propose à Arte de tirer trente exemplaires de sa bande dessinée... 2 500 seront distribués sur le camp. “C’est ma manière de me dire que je n’ai pas fait ça pour rien. Il ne faut pas avoir peur d’être voyeuriste dans ces moments, de poser des questions et de vouloir savoir”, estime Lucie Castel. J’avais parfois l’impression d’être un voleur, reprend Nicolas Wild, de leur prendre quelque chose et de partir alors que je ne les reverrais jamais. Mais, en contre-exemple, j’ai fait plusieurs voyages dans ma vie où j’ai rencontré plein d’autres gens, qui m’écrivent encore aujourd’hui.” Edmond Baudouin, présent dans la salle, intervient : Il y a quelque chose de spécial avec le dessin, qui connecte les gens. C’est long de dessiner, on se regarde, on échange, c’est comme un dialogue. C’est moins impressionnant.” Lui aussi a travaillé auprès des réfugiés et vient de publier un album, Humains – la Roya est un fleuve.

“Le projet n’est malheureusement pas clos”

Le projet mené par Arte ne devait initialement concerner que quatre camps. Il y en a finalement six qui sont présentés dans l’exposition des Terreaux. Malheureusement, c’est un sujet qui n’est pas clos. On le sait, il y aura d’autres réfugiés partout dans le monde, notamment des réfugiés climatiques”, pronostique Anne-Florence Garnier. Il n’est pas impossible que le projet se poursuive, avec d’autres photographes, d’autres vidéastes, et d’autres auteurs de BD. Il y a tous les récits d’intégration que nous n’avons pas encore complètement traités”, souligne la productrice, qui laisse la porte largement ouverte, pour accueillir de nouvelles histoires.

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