La Compañía Nacional de Danza espagnole est à Lyon avec une version de Carmen où l’héroïne revendique sa liberté au cœur d’une société contemporaine avide de pouvoir et de violence.
Dirigée depuis 2011 par l’ancien danseur étoile du ballet de l’Opéra de Paris José Martínez, la Compagnie nationale de danse d’Espagne est arrivée au cours de ces cinq années à se transformer, devenant une compagnie moderne, portée par des interprètes jeunes et virtuoses qui dansent des œuvres classiques sans oublier les grands chorégraphes du XXe siècle.
Pour cette entrée au répertoire, le directeur est allé chercher l’ancien soliste du Ballet royal Johan Inger, collaborateur actuel du Nederlands Dans Theater. Une pointure dont le travail est influencé par ses rencontres avec Jiri Kylián, Mats Ek, Pina Bausch, William Forsythe et Ohad Naharin. Pour relever le défi de cette confrontation à un mythe ancré dans la culture espagnole, Johan Inger a choisi de dévoiler son héroïne à travers les yeux d’un enfant, auréolant de mystère les obscures volutes de la séduction et de la violence.
Sa Carmen est toujours cette femme libre, courageuse, qu’il situe dans notre société actuelle, délaissant dans son approche chorégraphique les stéréotypes esthétiques de l’œuvre et de l’époque, et donnant aux personnages une dimension contemporaine. Ainsi, Séville est un endroit quelconque, l’usine n’importe quelle usine et les montagnes de Ronda ressemblent à des banlieues défavorisées. Les militaires se rapprocheraient d’une autre forme de pouvoir, celle de cadres supérieurs, et le torero serait plus proche d’une star de cinéma ou de rock.
La naïveté, la pureté, la bonté et le mystère humain sont représentés par la présence androgyne de l’enfant, qui devient obscure au fil de l’œuvre. La violence et la frustration sont traduites par des ombres de plus en plus présentes dans la scénographie. Avec quarante-quatre danseurs et deux pianistes sur scène, la Carmen de Johan Inger s’annonce, à l’instar de celle de Dada Masilo, politique et furieusement dansée.