Blanche Gardin présente ce jeudi au Radiant son spectacle “Bonne nuit Blanche”. Il est complet depuis longtemps, mais une retransmission est proposée au printemps dans trois salles de cinéma de l’agglomération. Pour se faire une idée du phénomène.
“Les producteurs n’ont plus le droit de violer les actrices. Par contre, il y a quelque chose qu’il va falloir clarifier assez vite : est-ce qu’on a encore le droit de coucher pour avoir les rôles ?” La phrase, prononcée avec la fausse ingénuité qui caractérise Blanche Gardin, a beaucoup fait rire – parfois jaune – l’assistance à la cérémonie des Césars 2018. On était alors en pleine effervescence après l’affaire Weinstein. Lors d’une autre cérémonie, celle des Molières, où elle s’était “auto-remise” le molière de l’humour 2018, la même avait glissé la fameuse blague de Pierre Desproges : “Y a-t-il des Juifs dans la salle ?” Ceci afin de prouver qu’il est encore possible de nos jours d’aller à l’encontre du politiquement, ou plutôt de l’humoristiquement, correct. Une tâche à laquelle elle s’astreint depuis plus d’une dizaine d’années, après ses débuts au Jamel Comedy Club. Et après avoir attiré l’œil du grand public en interprétant le personnage de la cadre dépressive dans la série Working Girls.
Phénomène du paysage humoristique
Son énorme succès a rattrapé Blanche Gardin il y a seulement deux ou trois ans. Mais au point de la transformer aujourd’hui en un phénomène de notre paysage humoristique, pas très loin de la célébrité d’une Florence Foresti. Les raisons de cet incroyable engouement, on les a découvertes l’année dernière lors de son passage à l’espace Gerson, dans une salle pleine à craquer trois soirées durant. Pour le plus grand bonheur de ceux qui ont pu alors assister au rodage de son nouveau spectacle, celui qui allait devenir Bonne nuit Blanche, qui fait en ce moment l’objet d’une tournée plébiscitée dans toute la France. Difficile de résumer ce one-woman show qui part absolument dans tous les sens et aborde tous les sujets pouvant traverser la tête d’une quadragénaire névrosée. À ceci près que la jeune femme ne tient pas à faire de sa nature dépressive un motif de suicide, mais plutôt à en mourir de rire.
Sur la forme, en petite robe bien sage, debout derrière un micro placé trop haut, comme si elle était une petite fille, elle reste sage. Les interprétations des personnages qu’elle fait intervenir dans son monologue sont sobres. N’attendez pas d’elle de grands gestes et des imitations tonitruantes. Encore moins qu’elle prenne à partie le monsieur du premier rang qui a mis une belle cravate. Ce n’est pas son style. Mais, du style, elle n’en manque pas. Son texte est un véritable petit bijou en matière d’écriture et d’humour noir. Ainsi évoque-t-elle, sans aucun tabou, sa première expérience, douloureuse, de la sodomie ; aussi bien que sa solitude et ses cauchemars, particulièrement angoissants lors d’une nuit dans une campagne reculée. Elle se livre également à une approche sociologique et psychanalytique de l’évolution de nos mœurs aussi juste qu’hilarante. Là encore, elle ne manque pas d’audace. Surtout lorsqu’elle se moque de la réaction de la mairie de Paris après les attentats du Bataclan, enjoignant les habitants à se transformer en Bisounours, une bougie à la main et une larme à l’œil, entonnant des chants mièvres. C’est cruel, atrocement drôle.
Que les fans les plus fous de cette ancienne punk à chien qui n’auraient pas de billet pour son spectacle à Caluire se consolent. Le 21 mars, la représentation de Bonne nuit Blanche sera filmée et diffusée en direct par Pathé Live dans 150 salles en France, dont trois dans l’agglomération. Faute de Saint-Valentin, ils auront un printemps.