Le désormais traditionnel festival de l’Opéra de Lyon nous propose cette saison un concept original : faire re-vivre trois œuvres majeures du répertoire, Le Couronnement de Poppée, Elektra et Tristan et Isolde dans trois mises en scène cultes de la fin du siècle dernier.
Baptisé “Mémoires”, le festival d’opéras cuvée 2017 nous invite à une expérience originale pour le moins excitante : la re-création de trois chefs-d’œuvre du passé (jusque-là rien de très nouveau) mais à travers le prisme de trois mises en scène du siècle dernier dont les auteurs, tous trois allemands, appartiennent également au passé.
C’est, à bien y regarder, la transposition exacte de la partition d’un compositeur disparu que l’on confie au chef d’orchestre qui saura en interpréter les lignes, les mouvements et déjouer les “inconnues”, prendre certaines décisions en l’absence du créateur.
Doubles relectures
Tout se passe ici peu ou prou dans le domaine de la mise en scène, où trois “réalisateurs de mise en scène” vont tâcher de re-donner vie à ces créations emblématiques de l’école théâtrale allemande de la fin du XXe siècle. C’est donc trois doubles relectures (on vous laisse faire le compte) que nous propose l’Opéra de Lyon, et non des moindres. Jugeons plutôt : Elektra de Richard Strauss dans la mise en scène de Ruth Berghaus, créée à Dresde en 1986, Tristan et Isolde de Wagner dans celle d’Heiner Müller créée à Bayreuth en 1993 et Le Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi vu par Klaus Michael Grüber à l’occasion du festival d’Aix-en-Provence 1999.
Au caractère avant-gardiste de trois œuvres époustouflantes (bien que séparées par deux siècles et demi de musique), vont s’ajouter les chemins nouveaux tracés au siècle dernier par Berghaus, Müller et Grüber dans le domaine du théâtre.
Sophocle futuriste
Transposition pour un public de son temps de la tragédie de Sophocle, l’Elektra de Strauss est à la fois l’œuvre la plus moderne du compositeur dans le domaine de l’écriture, qu’on qualifiera de “contemporaine” ou “radicale”, et sa création la plus fournie d’un point de vue orchestral. Un bijou visionnaire dont la lecture décisive par la chorégraphe et metteur en scène Ruth Berghaus a été représentée 77 fois entre 1986 et 2009.
Müller vs Wagner
Tristan et Isolde est l’unique expérience dans le domaine de l’opéra du metteur en scène et dramaturge Heiner Müller. Créée dans l’immense théâtre de Bayreuth.
La re-création lyonnaise de ce succès doit beaucoup à la clairvoyance du chef Hartmut Haenchen (également à la baguette dans Elektra) et à la dialectique du “réalisateur de mise en scène” Stephan Suschke qui, fin collaborateur de Müller (il a d’ailleurs pris sa suite à Bayreuth à sa mort), ne navigue ainsi pas en terrain inconnu.
L’épopée d’un couronnement
Avec Le Couronnement de Poppée, la machine à remonter le temps va fonctionner à plein régime : direction 1643 où Monteverdi dévoile pour la première fois l’œuvre fulgurante ; petite étape en 1999 à Aix-en-Provence où Grüber en donne la version reprise ici ; en avant vers 2017 où Les Nouveaux Caractères de Sébastien d’Hérin et les solistes du studio de l’Opéra vont nous caresser aux sonorités tantôt vertes tantôt chatoyantes des instruments anciens, au nom du génie du premier compositeur d’opéras de l’histoire.