La nouvelle saison de la Maison de la danse vient d’être lancée. Rendez-vous est donné avec des spectacles qui illustrent la richesse d’une scène chorégraphique polymorphe et mondiale.
Un chantier chorégraphique en ébullition
Même si rien n’est jamais acquis, surtout lorsqu’il s’agit d’une structure qui s’autofinance à 60 % (au bilan de la saison qui s’achève, 179 024 spectateurs dont 137 277 en salle), on peut dire que la directrice de la Maison de la danse, Dominique Hervieu, est aujourd’hui le maître d’œuvre d’un chantier en ébullition qui démultiplie les possibles de la danse, la révélant aussi dans son siècle numérique. En témoigne la nouvelle version de Numeridanse, la réhabilitation du musée Guimet en Ateliers de la danse – un lieu entièrement connecté –, une labellisation “Pôle européen de création” qui lui permet de soutenir de jeunes compagnies, la réalisation de projets avec des artistes comme Yoann Bourgeois ou le collectif (La)Horde qui vivent la danse au cœur d’outils de communication actuels (3D, Internet, réseaux sociaux…), la sensibilisation encore plus forte du public au processus de création. Ce chantier ne cesse de questionner l’art chorégraphique d’aujourd’hui, son évolution et comment la Maison de la danse et la Biennale peuvent l’accompagner. Dominique Hervieu peut se sentir libérée, le public lyonnais la suit, prêt à découvrir la danse pensée autrement sans pour autant renoncer à l’esthétique pure du mouvement ou au simple divertissement. Cette nouvelle saison démontre ce que sont les fondamentaux de la danse mais aussi comment des artistes la débrident pour inventer d’autres écritures et nous surprendre.
Un parcours danses urbaines et une programmation jeune public affranchie
Illustrée sur le papier par le visuel du collectif (La)Horde, qui s’est amusé avec des smileys dansant sur fond de peinture flamande, la saison déploie des thématiques dont un “parcours danses urbaines” qui permet de voir comment cette danse s’est transformée en vingt-cinq ans. Avec Vertikal, Mourad Merzouki se frotte à la verticalité de la danse hip-hop, qu’il extrait de sa terre ferme. Pour y parvenir, il s’appuie sur le dispositif aérien de la compagnie Retouramont, qui la mène vers de nouveaux appuis propices à son renouvellement. L’Irlandaise Oona Doherty raconte – avec un corps politique – sa ville de Belfast dans Hard to be soft, une pièce dont on a découvert cette année une première partie stupéfiante. Kader Attou fait le lien entre la France hip-hop et le Japon autour de trois pièces dont celles de Jan Gallois et de la compagnie Tokyo Gegegay constituée de danseurs complètement fous qui dansent à une vitesse hallucinante. L’Américain Kyle Abraham témoigne du parcours difficile d’un adolescent qui grandit dans la danse hip-hop avec son homosexualité. Le collectif (La)Horde réunit onze danseurs européens de jumpstyle (danse qui consiste en un jeu de jambes répétitif, rapide et survolté) découverts après avoir posté sur Internet les mouvements qu’ils pratiquent isolés dans leur chambre. Nach, une danseuse de krump (danse née dans les années 2000 manifestant la rage des quartiers défavorisés de Los Angeles), exprimera avec son solo Cellule l’enfermement et la libération sur fond de vidéos. On assistera à un battle de krump féminin tandis que le jeune public se fera embarquer par la compagnie Wang Ramirez qui retrace son parcours interculturel, pétri de toutes les danses. À signaler dans la programmation jeune public, la présence de Christian Rizzo avec un travail plastique et fantasmagorique et de Fabrice Ramalingom qui expliquera la construction d’une chorégraphie. Pas vraiment consensuels, ces deux-là illustrent bien une envie certaine de bousculer les repères des jeunes dans leur vision de la danse.
Des fondamentaux, du néo-classique et pour la première fois… un opéra !
L’Archipel est consacré à Merce Cunningham et Trisha Brown, deux artistes fondamentaux de la postmodern-dance dont on se dit qu’ils ont encore quelque chose à voir avec ce chantier en ébullition tant ils ont bouleversé la conception de la danse dès les années 1960. Le ballet de l’Opéra de Lyon nous offre ses pièces emblématiques, dont Summerspace (Cunningham), un chef-d’œuvre de complexité dansée dans les décors du peintre Rauschenberg et Set and Reset/Reset (Brown) sur la musique de Philip Glass. L’énergique Sud-Africaine Dada Masilo revient avec une Giselle revisitée version féministe et vengeance assumée. Thierry Malandain, chorégraphe du Ballet de Biarritz, propose une version symphonique de Noé, cherchant à distiller une vision optimiste de l’humanité.
La grande surprise, c’est la programmation d’un opéra : Le Retour d’Ulysse, créé en 1998 par le Sud-Africain William Kentridge, une épopée magistrale, modernisée, intégrant des personnages-marionnettes, qui brise véritablement les frontières entre toutes les disciplines artistiques.
“Sens dessus dessous”, deux artistes israéliens fétiches et Yoann Bourgeois
Le festival “Sens dessus dessous” renoue avec l’univers en 3D d’Adrien M & Claire B, on y retrouvera la palette intime et drôle d’Eugénie Rebetez, une jeune Suisse que l’on aime beaucoup, ainsi que le Grec Dimitris Papaioannou avec son succès d’Avignon 2017, The Great Tamer, qui met en scène dix performeurs dans une série de tableaux jouant sur l’absurde, le comique et la violence du monde. Habitués du plateau lyonnais, les chorégraphes israéliens Ohad Naharin et Hofesh Shechter reviennent avec chacun leur vision (sombre) de l’humanité. S’il est impossible de citer tous les spectacles, on n’oubliera pas Fugue VR, un film en réalité virtuelle qui plongera les spectateurs au cœur de Fugue trampoline, du circassien et danseur Yoann Bourgeois, lequel sera au musée Guimet le temps d’une ouverture éphémère avant les travaux, dans une nouvelle création, Histoires naturelles.
Présentation publique de la saison à la Maison de la danse / Entrée libre
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Mercredi 2 mai à 17h et à 20h30 (en direct sur Facebook)
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Jeudi 3 et vendredi 4 mai à 20h30