On ne peut le voir que sur scène : plus aucune télé ou radio ne veut de Manuel Pratt. Parce qu’il est incontrôlable. La preuve à l’Espace Gerson en deux spectacles.
À la plupart de nos humoristes, on s’est accoutumé à entendre accoler les adjectifs “décapant”, “corrosif ”, “incisif”… Tous ces qualificatifs qui évoquent l’irrévérence, la férocité, il faudrait leur redonner leur sens pour Manuel Pratt. Simplement parce qu’il est sans doute le seul à les mériter vraiment. Là où s’arrête un Stéphane Guillon, Pratt se met en route. Caustique telle la soude du même nom, il concocte ses spectacles comme un terroriste prépare une bombe. On a vu des spectateurs s’enfuir devant quelques-unes de ses prestations les plus trash, épouvantés par ce qu’ils entendaient. Pratt aime rire de ce qui lui fait peur, de nos pires excès, de nos travers peu avouables.
Viré sans changer de cap
Le prix de sa liberté de ton, Manuel Pratt l’a non seulement payé mais aussi accepté : on ne l’entend pas à la radio ni ne le voit à la télé. Et il a plusieurs fois été attaqué en justice par certaines des cibles qu’il avait brocardées. Les expériences qu’il eut l’occasion de mener à France Inter ou dans d’autres médias audiovisuels se sont toutes soldées par la même sanction : viré. L’imaginer un samedi soir au milieu d’un aréopage de comiques consensuels est juste impensable. Pourtant, Philippe Bouvard, conscient de son talent de plume, même s’il ne se reconnaissait pas dans son esprit, fut l’un des premiers à l’encourager, au début de sa carrière, dans les années 1980. Aujourd’hui, bien qu’il soit une référence obligée pour presque tous ceux qui exercent le même métier, plus aucun producteur ou propriétaire de grande salle n’est prêt à prendre le risque de l’inviter. Peu lui importe, il continue son chemin, de petite salle en petite salle, toujours copieusement remplies d’aficionados jamais déçus, aussi bien par ses one man shows que par ses pièces.
Un Cadeau enragé
Ses pièces ne cherchent pas automatiquement le rire mais abordent de brûlantes questions de société : Pratt n’est pas seulement un enragé, c’est aussi un engagé. L’Espace Gerson fait partie des cafés-théâtres qui restent fidèles à cet artiste hors du commun, nous offrant même cet automne un triplé de ses spectacles. Après Love me tender, Le silence des pantoufles est aussi terrible que le bruit des bottes – un de ses meilleurs one man shows, où il ose, entre autres délires, le strip-tease en burqa ! – et l’une de ses pièces les plus violentes, Le Cadeau.
Le silence des pantoufles est aussi terrible que le bruit des bottes, du 31 octobre au 3 novembre. Le Cadeau, du 7 au 10 novembre, à l’Espace Gerson (Lyon 5e).