Deux jeunes metteurs en scène formés à l’Ensatt se confrontent cette saison à l’écriture théâtrale de Marguerite Duras. Louise Vignaud avec Agatha, présenté au TNP à partir du 4 février, et Philippe Baronnet avec La Musica deuxième programmé à la Renaissance fin mars.
“De temps en temps j’écrivais pour le dehors, quand le dehors me submergeait”, écrivait Marguerite Duras dans Outside en 1984. Cette écriture “pour le dehors”, c’est évidemment celle du cinéma, celle du journalisme (son texte sur l’affaire Grégory, paru dans Libération, est encore dans les mémoires) mais, surtout, celle du théâtre. Comme tous les – grands – écrivains de son époque (Sartre, Camus, Beckett, Ionesco…), l’autrice de L’Amant (prix Goncourt 1984) ne se cantonnait pas au roman. On lui doit d’ailleurs plus d’une vingtaine de pièces (parmi lesquelles Le Square, L’Amante anglaise, Savannah Bay, Des journées entières dans les arbres…) qui, pour la plupart, furent jouées par de prestigieuses distributions. Il n’en est pas moins étonnant de voir deux jeunes metteurs en scène talentueux (tous deux formés à l’Ensatt) s’emparer d’Agatha, pour Louise Vignaud, au TNP, ou de La Musica deuxième – Philippe Baronnet, au théâtre de la Renaissance.
Le tabou de l’inceste
“Une expédition vers les abysses de l’âme humaine”, c’est ce qu’entend proposer la première avec sa mise en scène d’Agatha. Après Le Misanthrope et Rebibbia, la jeune femme retrouve le plateau du TNP pour cette pièce parue en 1981 qui décrit les retrouvailles d’un frère et d’une sœur après la mort de leur mère. À force de traquer la mémoire, de douloureux secrets pourraient en sortir… On a hâte de retrouver l’art de Louise Vignaud dans un registre plus intime et “durassien”.
Comédie tragique
C’est aussi un duo masculin-féminin que présente La Musica deuxième, montée par Philippe Baronnet à la Renaissance. Cette pièce de 1985, ainsi nommée parce qu’elle s’inscrit dans le prolongement de La Musica, court dialogue écrit en 1965 pour la BBC, est une longue explication entre un homme et une femme le jour où leur divorce est prononcé officiellement. C’est d’abord une dispute sur le mode de la comédie (une belle occasion de voir combien, contrairement à sa réputation, Duras savait être drôle). Puis, le tragique s’impose, celui de la séparation de deux êtres qui se sont profondément aimés. Philippe Baronnet a eu l’excellente idée d’un dispositif scénique qui met spectateurs et comédiens en immersion totale, recréant le hall d’hôtel où se retrouve le couple.