Midnight Oil

Midnight Oil : Burning Men dans le théâtre de Fourvière, à Lyon

Inactif ou presque pendant près de vingt ans, le mythique groupe australien révélé par l’hymne écologiste Beds are burning a repris la route autour du monde. Et, mené par le désormais ancien ministre Peter Garrett, Midnight Oil passe par Fourvière. L’occasion d’un dernier avertissement avant l’apocalypse ?

“Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.” C’est par ces mots, que personne n’a oubliés, ni écoutés pourtant, que Jacques Chirac, alors président de la République, ouvrait en septembre 2002 son discours au IVe Sommet de la Terre à Johannesbourg, pointant la catastrophe climatique qui nous était promise. Des mots repris au groupe de rock australien Midnight Oil, lequel les avait assénés sur le tube interplanétaire qui allait le faire connaître du monde entier en 1987 : Beds are burning – “How can we dance when our Earth is turning ? / How do we sleep while our beds are burning ? / Four wheels scare the cockatoos / from Kintore East to Yuendemu / The Western Desert lives and breathes / in forty-five degrees” (autrement dit, dans la langue de Chichi : “Comment pouvons-nous danser alors que notre Terre tourne ? / Comment dormons-nous pendant que brûlent nos lits ? / Les 4x4 terrifient les cacatoès / de Kintore Est jusqu’à Yuendemu / Le désert de l’Ouest vit et respire / à quarante-cinq degrés”).

Si les territoires de l’Ouest en question désignent ici une province australienne désertique, il n’y a pas loin à y voir une métaphore du monde occidental. En tout cas de celui dans lequel nous vivons, accréditant l’évidence d’une prophétie quasiment autoréalisée trente ans plus tard. Soit le temps qui nous sépare, d’après certains scientifiques, d’une extinction pure et simple de la civilisation humaine. En 1987, entendre ces mots dans une chanson rock hissée au sommet du Top 50 avait un caractère exotique sur lequel l’auditeur ne prenait guère le temps de s’arrêter. Car si, aujourd’hui, les appels d’artistes à la vigilance (pour utiliser un euphémisme) sont pain quotidien, la position écolo-sensible de Midnight Oil faisait alors figure d’exception.

“Sorry”

Très tôt après l’arrivée du géant Peter Garrett au micro, la conscience du groupe australien s’était éveillée à nombre de questions politiques, sociales et écologiques, australo-centrées ou plus globales : mouvement contre les mines d’uranium, sort des Aborigènes, soutien aux Tibétains. Beds are burning est d’ailleurs une chanson à double fond qui fait état tant de la spoliation des terres aborigènes que de l’imminence du désastre écologique, l’un n’étant que la conséquence de l’autre, fruit d’un impitoyable jeu de dominos de la cupidité. Il faut dire qu’à l’époque Garrett était déjà très investi en politique – il s’est même présenté aux sénatoriales pour le compte d’un mouvement antinucléaire. En 1989, il a pris la tête de l’Australian Conservation Foundation, quelques mois avant que le groupe ne donne un concert sauvage devant le siège d’Exxon à New York contre les conséquences du naufrage de l’Exxon Valdez.

En 2000, Midnight Oil a ouvert les JO de Sydney avec le message d’excuse que le Premier ministre refusait aux Aborigènes au nom du gouvernement australien : Sorry. Deux ans après, il s’interrompait pour laisser libre cours à la carrière de plus en plus politique de Garrett – élu député en 2004, nommé ministre de l’Environnement, du Patrimoine et des Arts en 2007 et de l’Éducation de 2010 à 2013. Si le groupe est ponctuellement remonté sur scène, ce fut toujours pour soutenir une cause (aide aux victimes du tsunami de 2004, des incendies de 2009 en Australie…). On ne peut s’empêcher de voir dans sa reformation en 2017, pour sa première tournée mondiale en vingt ans, le besoin de nous rappeler que les lits et la maison brûlent plus que jamais ; une tentative de ramener définitivement notre regard sur ce triste spectacle dont les braises chatouillent nos orteils.


[Article publié dans Lyon Capitale n° 790 – Juillet-Août 2019]

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