Du neuf à la chapelle de la Trinité : l’équipe des Grands Concerts qui gérait la programmation baroque et musique de chambre depuis un quart de siècle laisse la place à un collectif rassemblant Le Concert de l’Hostel Dieu et Superspectives. Alors qu’une nouvelle heure débute, on fait le point sur une première saison qui s’annonce des plus aventureuses.
La Trinité, musiques baroques et irrégulières Lyon, c’est le nom du nouveau projet qui s’installe cette saison dans la célèbre chapelle éponyme. Désacralisée il y a 100 ans, restaurée à la fin des années 90, c’est une étape supplémentaire pour l’édifice qui s’inscrit aujourd’hui plus que jamais dans le temps présent.
Un brin académique, malgré sa qualité, l’ancienne programmation concentrée sur le répertoire baroque et la musique de chambre laisse en effet la place à quelque chose de bien plus audacieux dans cette volonté de décloisonner les genres et encourager la création, souvent crossover.
Ce nouveau concept est le fruit de l’association du Concert de l’Hostel Dieu – dont la volonté, au fil des programmes proposés ces dernières années, d’ouvrir la musique ancienne à d’autres genres et formes artistiques n’est plus à prouver – et de Superspectives. Ce dernier, responsable du festival du même nom qui s’implanta quelques saisons à la maison de Lorette, s’est depuis lors bien implanté dans le paysage lyonnais au point d’être un invité régulier de la superbe programmation Opéra Underground. Spécialisé à ses débuts dans les musiques d’inspiration minimalistes, la finesse et l’inventivité de sa proposition font de Superspectives l’allié idéal du Concert de l’Hostel Dieu dans cette aventure qui marque une transition franche et à la fois en douceur.
Vous avez dit crossover ?
On débute l’année en fanfare et sur une note qui résume à elle seule le concept : Björk baroque. Rien que ça ! C’est grâce aux arrangements du guitariste et théorbiste David Chevallier que les chansons pop de l’artiste islandaise se draperont d’un éclairage nouveau ainsi accompagnées par les cordes pincées et les violes de gambe de l’ensemble Le SonArt.
On enchaîne sans transition sur un programme du même acabit qui verra le Concert de l’Hostel Dieu osciller entre Bach (dans des extraits de L’Art de la fugue) et minimalisme (Reich, Pärt, Richter…).
Le pianiste François Mardirossian (de la team Superspectives) dans un remake du Köln Concert de Keith Jarrett, l’ensemble A Nocte Temporis pour un panaché baroque et musique traditionnelle irlandaise, les explorations soniques de la compositrice Éliane Radigue (manipulatrice de fréquences et résonances sur l’un des premiers modèles de synthétiseur, l’ARP 2500), les bandes-son imaginaires de Miaux interprétées au synthétiseur Casio ou l’ambient planant de Colleen : l’éclectisme est décidément de mise… et les synthétiseurs particulièrement à l’honneur. C’est d’ailleurs un des axes de cette première saison de concerts qui seront déclinés à travers les thématiques Synth Chapelle et le cycle Bach to the Future. On retrouvera ainsi un Moog workshop, l’artiste électro Arandel et Camille Rhonat évoquer la mémoire de Wendy Carlos dans des transcriptions de J.-S. Bach pour synthétiseurs ou faire danser le public, toujours sur Bach, en compagnie du Concert de l’Hostel Dieu. Julien Lheuillier reprendre Bach et Scarlatti au synthétiseur, Jonathan Fitoussi y aller de même avec la symphonie Titan de Gustav Mahler : tout devient soudain possible entre deux concerts parfois plus “classiques” mais tout aussi excitants comme un récital de musique baroque française et espagnol par l’excellent Poème harmonique.
Impossible de détailler l’ensemble de la programmation ici mais la suite est à l’avenant et de fort belle facture. Suivez le programme, on vous en reparle bientôt.
La Trinité, musiques baroques et irrégulières Lyon – Jusqu’au 26 juin à la chapelle de la Trinité – https://trinitelyon.com/
Je prends connaissance de l'article sur la Chapelle de la Trinité et je remercie M. Médioni de reconnaître à la programmation des Grands Concerts une qualité certaine. Je m'interroge toutefois sur le terme "audacieux" quant au décloisonnement du nouveau gestionnaire du lieu. D'une part, ce n'est pas une nouveauté car Les Grands Concerts, anciens gestionnaires, l'ont souvent défendu en ouvrant largement les répertoires à d'autres formes et esthétiques musicales. D'autre part, qu'y a-t-il d'audacieux dans une programmation entièrement financée par les collectivités publiques ? Où est la prise de risque ? Où est la rencontre avec le public, quand le même jour 700 personnes assistent à une représentation des Grands Concerts à la Basilique Saint-Bonaventure et à peine une demi-salle à la Chapelle de la Trinité pour la nouvelle programmation ? Est-ce qu'on doit se féliciter de faire payer le contribuable pour de l'entre-soi ? Est ce qu'on doit se réjouir que la culture soit une vitrine politique ? Enfin où est l'audace quand la presse se fait le relais du pouvoir et non plus de la réalité ? On se demande alors qui est le plus conformiste…