Le compositeur Claudio Monteverdi est celui par lequel l’histoire de la musique bascule de la Renaissance au baroque. À travers un programme consacré au drame amoureux, l’ensemble L’Arpeggiata célèbre ce “style nouveau”, empreint de théâtralité.
On a coutume de dater le début de l’ère baroque en musique à 1607, date de composition de l’Orfeo de Claudio Monteverdi, considéré comme le premier opéra de l’histoire.
C’est en effet sous la houlette du compositeur italien que se produit l’une des plus grandes révolutions stylistiques qui sonne la fin de la musique Renaissance pour basculer dans une toute nouvelle ère.
Au rang de ces bouleversements, l’avènement de la basse continue qui condense la polyphonie à plusieurs voix égales d’antan à l’aide d’un accompagnement instrumental (la plupart du temps assuré par un instrument de basse à archet et le clavecin ou l’orgue) propulsant au premier plan un instrument (ou une voix) soliste sur lequel se focalise l’attention.
Ce nouveau procédé d’écriture est à la fois la résultante et l’élément facilitateur d’un goût croissant pour la prosodie et la mise en exergue du texte, jadis noyé dans les entrelacs contrapunctiques de la polyphonie à plusieurs voix.
Et c’est réellement avec Monteverdi que le théâtre s’invite en musique, via l’opéra bien sûr, mais également à travers des madrigaux (poèmes mis en musique) qui témoignent de ce “stile nuovo” (nouveau style), caractérisé par la recherche d’expressivité, de contraste et de couleurs instrumentales.
L’une des meilleures illustrations de cette nouvelle pratique est sans aucun doute Le Combat de Tancrède et Clorinde, dont la première représentation eut lieu lors du carnaval de Venise en 1624.
Extrait du huitième et dernier livre de madrigaux, dit Madrigali guerrieri e amorosi (madrigaux guerriers et amoureux), cette pièce d’une originalité incroyable pour l’époque reprend un extrait de La Jérusalem libérée du poète Tasse. Un unique chanteur, le narrateur (Testo), nous raconte le combat à mort entre Tancrède, preux chevalier, et Clorinde, une belle musulmane dont il est amoureux, déguisée en soldat.
Tancrède, après un duel acharné, la transperce de son épée. Son dernier souffle exprime sa nouvelle foi dans le dieu chrétien et elle pardonne à son agresseur. Réalisant qu’il vient de tuer sa bien-aimée, Tancrède devient ivre de douleur. Elle, expire, apaisée.
Quand la musique devient rhétorique
Dans ce récit épique, Monteverdi rivalise d’effets théâtraux et dramatiques, n’hésitant pas à renforcer la partition d’éléments scéniques ou d’indications concernant les costumes.
Il joue sur les contrastes à l’extrême, alternant de manière abrupte les passages calmes et d’autres très agités, les instruments donnant la réplique au chant (quatre violons) viennent notamment imiter le fracas des armes durant le combat à grand renfort de pizzicatos, trémolos et autres figures rhétoriques instrumentales.
C’est autour de ce monument du premier baroque, mais également d’extraits de l’Orfeo de Monteverdi – autre évocation d’un amour impossible se soldant par la mort accidentelle de l’amante (Clorinde et Eurydice, deux féminicides soit dit en passant) – que s’articule ce nouveau programme de L’Arpeggiata. L’ensemble baroque emmené par la cheffe et luthiste Christina Pluhar nous gratifiera d’autres œuvres de la même époque, reprenant la thématique du drame amoureux, et signées Cavalieri, Caccini ou Rossi en compagnie du fantastique ténor mexicain Rolando Villazón.
L’Arpeggiata, Les Amours impossibles – Vendredi 24 mars à 20 h, à l’Auditorium