Un à un, députés et ministres sont tombés de leurs plus belles nues pour monter au créneau devant un grand péril : "quoi, Sébastien Tellier va chanter en Anglais à l'Eurovision, don't tell me it's not true ?!" Il paraît que les médias britanniques sont d'ores et déjà hilares (il faut dire que ces dernières semaines, entre courbettes amidonnées et talonnettes, la France leur en a donné pour leurs pennies). Il n'en fallait pas plus pour raviver cet esprit français qui culmina jadis avec la loi Toubon, où l'on alla presque jusqu'à rebaptiser Pizza Hut : "la Hutte de la Tarte à la Tomate". Que n'eut-il projeté de chanter en ch'ti, le Tellier, ç'aurait eu de la gueule, tout le monde aurait applaudi des deux mains pleines de Maroilles. C'est que Tellier a bien essayé d'adapter sa chanson en Français, il en a même gardé un bout de refrain, mais le problème c'est que dans la langue de Jean-Pierre Pernot le résultat fait tarte (et pas qu'à la tomate). C'est tout le problème des chansons pop... Les Beatles eux-mêmes s'ils avaient tenté de traduire leurs hits mondiaux en Gaulois auraient eu l'air fin à brailler : "A l'aide, j'ai besoin de quelqu'un", "Elle t'aime, ouais, ouais, ouais", ou encore "Michelle, ma belle, sont des mots qui vont très bien ensemble, très bien ensemble..." (bon, ça, malheureusement, ils l'ont fait, mais enfin, n'ont-ils pas eu l'air fin ?). A l'inverse de la France, encore hantée par le succès antédiluvien de Marie Myriam, L'oiseau et l'enfant (qui n'aurait pas pâti d'une traduction en anglais, avec son "enfant aux yeux de lumière qui voit passer au loin les oiseaux"), la plupart des pays européens ont compris que l'Eurovision n'est qu'un grand concours de déguisements clignotants. Et que le suffixe "-vision" a pris depuis bien longtemps un tour hallucinatoire qui empêche qu'on y prenne quoi que ce soit au sérieux. D'où ces asperges blondes à paillettes, ces transsexuels Israéliens ou ces démons-vikings Finlandais qui faillirent faire rendre gorge à l'indestructible Michel Drucker. Cette année, c'est l'Irlande qui mérite le pompon : son représentant est une dinde-marionnette. On ne sait pas trop en quelle langue elle chante, et pour tout dire on n'en est plus là.
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