Mais est resté debout comme en témoigne son dernier album, le très beau Lucky, à découvrir sur scène au Transbordeur.
Avec son single Popular, Nada Surf a remporté il y a une quinzaine d'années un immense succès. Mais a bien failli ensuite connaître un destin rencontré par bien des chanteurs : celui de faire toute sa carrière sur une chanson, comme Hervé Vilar (Capri c'est fini) ou Patrick Hernandez (Born to be alive). Le syndrome est connu : vous faites un tube énorme, vous croulez sous les disques d'or mais, au lieu de prendre son envol, votre carrière vire au cauchemar. Vous pouvez alors sortir toutes les chansons que vous voulez, noyer votre public sous les albums, aussi bons soient-ils, on ne vous réclamera qu'une chose lors des concerts, votre tube, votre Vanina (hahaha), votre Où sont les femmes. Les maisons de disques, guère plus compréhensives que votre public, ne comprennent pas qu'aucun de vos titres ne rencontrent le succès de ce morceau super que vous aviez alors composé sur un coin de nappe de restoroute un soir de désœuvrement, et vous virent à tour de bras en vous signifiant que pour un incapable vous coûtez bien trop cher. Les critiques eux, soulignent éventuellement (pas toujours) la qualité de vos disques, mais depuis qu'on vend les disques à deux rayons des serpillières et des poêles à frire, plus personne n'écoute les critiques. Les gars de Nada Surf furent à ce point atteint par ce syndrome qu'ils se firent un temps une spécialité de reprendre en concert, les grands tubes des autres, histoire d'être applaudis plus d'une fois par soir : on les vit ainsi reprendre Where is my Mind (The Pixies), Blue Monday (New Order), If You Leave (Orchestral Manœuvre in the Dark) et même, en français dans le texte (deux membres du groupes sont parfaitement bilingues), L'Aventurier d'Indochine, dans une version supérieure à l'original. Pendant ce temps, le trio newyorkais sortait des albums de qualité (le magnifique The Weight is a Gift en 2005) et finit petit à petit par s'affranchir de cet énorme tube que fut Popular. Leur dernier album, le très ironiquement titré Lucky, est un peu l'aboutissement de ce parcours. Le groupe a beaucoup mûri et s'est musicalement étoffé, passant de l'énergie punkisante de leurs débuts à une forme de sophistication pop d'une grande maîtrise. Disons-le tout net, Lucky est peut-être bien leur meilleur album. Et tant pis si le soir de leur concert tout le monde n'attendra qu'une seule chose. Un tube vieux de 15 ans.