Sébastien Berlendis © Alban Moro

Notre sélection livres du week-end

Villa Wexler de Jean-François Dupont et Seize lacs et une seule mer de Sébastien Berlendis sont les deux romans choisis par la rédaction de Lyon Capitale.


Enquête modianesque

Jean-François Dupont ne s’en cache pas, bien au contraire, Patrick Modiano est son “auteur fétiche”. Et s’il flotte dans son dernier roman, Villa Wexler, une manière de spleen, entêtant, ce n’est en rien dû au hasard.

Tout comme le fait que le narrateur, Mathias, se livre à une sorte d’enquête poétique sur son passé, sur sa jeunesse. Ainsi que le faisait Patrick Modiano dans son roman, Villa triste.

Mais si Jean-François Dupont, déjà auteur d’une dizaine d’ouvrages (dont les excellents Sparring partner, Via dante et autres issues, Souvent, je pense à Jack), a parfaitement digéré cette influence, il a aussi su s’en éloigner.


La fascination qu’il éprouve pour son nouveau prof de français et ses premières amours


Villa Wexler ne se passe pas dans le Paris occupé de Modiano mais dans une province française éloignée de tout. Loft Story est diffusée des heures durant sur la chaîne M6 ; quelques mois plus tard, le 11 septembre 2001, deux avions de ligne s’encastreront dans les tours jumelles du World Trade Center.

Cependant, Mathias, sans doute à l’image de nombreux adolescents à cette époque, ne se préoccupe ni du premier ni du second de ces événements. Pas plus d’ailleurs qu’il ne se mêle des disputes de ses parents, qui ne tarderont pas à divorcer.

Il est tout entier requis par la fascination qu’il éprouve pour son nouveau prof de français et ses premières amours. L’un n’étant jamais très éloigné des autres puisqu’il brûle de désir pour la fille de l’enseignant.

D’ailleurs, toute la famille de ce curieux personnage l’attire. Il va pénétrer au cœur de ce foyer si différent des autres, à l’intérieur de ce qui est devenu la villa Wexler. À ses risques et périls. L’intensité originale qui émane de l’endroit et des personnes qui l’habitent, ou le fréquentent, va se révéler trompeuse.

Derrière le mode de vie de Wexler et de ses proches, qui défient allègrement les conventions, se niche un mystère, des pratiques peu recommandées. Sexe, drogue et cinéma...

Deux décennies plus tard, Mathias s’efforce de comprendre. Ou du moins de déchiffrer les événements burlesques et tragiques d’alors. Cette quête, entre passé et présent, menée d’une écriture à la fois mélancolique et précise, prend le lecteur sous son aile. Irrésistiblement.

C. M.

Villa Wexler – Jean-François Dupont, éditions Asphalte, 208 p., 18 €.


Top of the lakes

Dans l’œuvre de Sébastien Berlendis, Des Saisons adolescentes a marqué, sinon une coupure, du moins une pause, le livre étant écrit avec des élèves de ce professeur de philosophie dans le civil, lesquels lui avaient confié leurs souvenirs – un chacun – mis en forme collectivement.

Encore qu’il est toujours un peu question chez Berlendis de saisons et de déambulations – dans la mémoire autant que les paysages et les villes – adolescentes : une certaine propension à la rêverie et à la mélancolie, comme c’est le cas pour ce retour à une œuvre plus classiquement estampillée de la marque de l’auteur qu’est ce Seize lacs et une seule mer.


Un Berlin oublié, qu’on pourrait dire disparu s’il n’avait été figé par le temps


Où on le retrouve à Berlin, lors de vacances qui trimballent une belle langueur, à suivre les traces d’un fantôme cinématographique, celui d’une jeune femme apparaissant dans un film déniché chez un antiquaire, immortalisée, mystérieuse au bord de lacs berlinois. C’est à une reconstitution toute personnelle que se livre notre héros en une belle collection de baignades, seul ou en compagnie d’une jeune cinéaste rencontrée sur place.

Mais c’est surtout un Berlin oublié, qu’on pourrait dire disparu s’il n’avait été figé par le temps au début du XXe siècle, que l’auteur nous donne à voir, au cours de ce qui semble être tout autant un doux voyage dans le temps que dans l’espace très étalé de la capitale allemande – et jusqu’au bord de la Baltique.

Une constante chez l’écrivain qui avait jusque-là plutôt tendance à nous emmener en Italie. Comme d’usage, Sébastien Berlendis livre avec une belle constance un roman empreint d’un véritable amour des lieux fantômes – des lieux vus comme le siège du souvenir –, des lacs, surtout, et d’une grande et belle sensualité dans la manière de les appréhender et de les restituer.

K. M.

Seize lacs et une seule mer – Sébastien Berlendis, Actes Sud, 145 p., 17 €.


 

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