Temps fort de la programmation théâtrale des Nuits de Fourvière 2012, Le Bourgeois gentilhomme mis en scène par Denis Podalydès se veut version “totale” de la pièce de Molière. Lyon Capitale a rencontré Denis Podalydès et revient sur l’histoire de la comédie-ballet.
Lorsque l’on a rencontré Denis Podalydès, à moins d’un mois des premières représentations du Bourgeois gentilhomme au théâtre antique*, il n’avait aucune présomption sur la réussite du spectacle qu’il crée pour les Nuits de Fourvière. Il était juste en plein travail, tentant de surmonter les difficultés que lui posait la pièce, notamment ce génie “monstrueux” qui la caractérise. Mais il était d’ores et déjà reconnaissant à la production des Nuits de lui avoir donné les moyens de la monter selon son désir.
Celui de respecter ce qui est pour lui au cœur de la pièce, cette “chose mystérieuse” que constitue la comédie-ballet. En effet, s’il en a vu beaucoup de versions, notamment celle de Jean-Louis Benoît, quand il apprenait son métier de comédien à la Comédie Française, il n’en a vu aucune qui respectât la réunion des arts, de la musique, de la danse, des chants qu’elle contient. Or c’est bien ce qu’il ambitionne : donner à chaque élément de l’œuvre son degré d’excellence.
Il s’est pour ce faire entouré d’une équipe solide, dotée de références incontestables : Christophe Coin à la direction musicale, Kaori Ito – danseuse consacrée au Japon qui poursuit une carrière exceptionnelle en Europe – à la chorégraphie et Christian Lacroix, que l’on ne présente plus, aux costumes. Ce qui n’a nullement empêché Denis Podalydès de poursuivre une réflexion sur les enjeux de la pièce, sa modernité et surtout son incroyable vis comica, virtuosité d’écriture qui fait de certaines scènes de véritables “opéras parlés”. C.M.
La comédie-ballet, alternative à l’opéra italien
Le Bourgeois gentilhomme est la onzième “comédie-ballet” du tandem Molière-Lully, forme nouvelle et dialectique qu’ils conçurent à la demande de Louis XIV afin de “coudre ensemble théâtre, musique et danse [sans] rompre le fil de la pièce”. Le Roi-Soleil était un brillant danseur, passionné autant par les arts eux-mêmes que par le dessein d’offrir à la France une alternative à l’opéra italien, jugé “vulgaire” mais follement jalousé...
Sous couvert de burlesque, Le Bourgeois dresse un portrait des valeurs esthétiques de la France, à travers l’“éducation” de Jourdain. La présence allégorique des maîtres de musique, de danse et de philosophie renvoie à l’importance du chant et de l’harmonie, du ballet et de la rhétorique au XIVe siècle. C’est donc bien davantage à la manière de l’opéra que du théâtre classique que doit être traitée une telle œuvre. Saluons à ce titre une distribution de chanteurs aguerris au répertoire baroque et la présence d’un expert parmi les experts à la direction.
Violoncelliste sensationnel à l’aise dans le répertoire tant classique que baroque, Christophe Coin s’illustre tout aussi bien à la viole de gambe qu’à la direction. Accompagné des solistes de l’Ensemble baroque de Limoges, il apportera un éclairage qu’on imagine à la fois personnel, authentique et flamboyant.
La danse n’a pas été négligée. Confiée à la chorégraphe Kaori Ito, la partie “ballet” du spectacle donnera équitablement la réplique à la musique et au théâtre “sans rompre le fil de la pièce”. Louis XIV aurait sûrement applaudi ! G.M.
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Le Bourgeois gentilhomme, du mardi 5 au dimanche 10 juin, à 21h, à l’odéon de Fourvière.
Nuits de Fourvière 2012, du 5 juin au 31 juillet, à Lyon.
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* Cet article est paru dans Lyon Capitale le mensuel n° 712, où vous trouverez également une sélection des Nuits de Fourvière en musique, en danse et en cirque pour tout le mois de juin. En vente en kiosques jusqu’au 28 juin, et dans notre boutique en ligne.