On ira tous Che Guevara

Entre projet ambitieux et marketing pas forcément révolutionnaire, le cinéma américain s'attaque à l'icône marxiste mondiale la plus en vogue : El Che.

Steven Soderbergh démontre une nouvelle fois qu'il n'a pas volé en 1989 sa Palme d'or au festival de Cannes. Avec cette biographie d'Ernesto Guevara, le réalisateur de Sexe, mensonges et vidéo et de Traffic, signe une nouvelle œuvre majeure qui court sur un peu plus de quatre heures. Découpée en deux longs métrages forts distincts, interprétée de bien belle manière par Benicio Del Toro, deux pans de la vie du Che y sont explorés : la révolution cubaine et la déroute bolivienne. Après s'être assuré que tous les journalistes de l'assistance avaient bien reçu le célèbre tee-shirt à l'effigie du Che version Benicio, la rencontre avec l'acteur et le réalisateur peut enfin débuter. Et le message est clair : l'équipe possède l'intime conviction qu'elle détient la vérité absolue sur l'un des personnages les plus forts de l'histoire révolutionnaire...

Lyon Capitale : Quel a été le point de départ de l'aventure ?
Steven Soderbergh : On a commencé avec une liste de choses que l'on ne voulait pas faire, comme montrer l'entièreté de la vie d'Ernesto Guevara. Cela n'était pas intéressant, ça ne pouvait pas fonctionner. On voulait prendre quelques périodes et les montrer en donnant le plus grand nombre de détails possibles. Nous sommes partis de moments personnels et intimes de son histoire. Des instants par exemple où il apprend ou enseigne quelque chose. On a réuni beaucoup d'informations que l'on a analysées. On a lu beaucoup de livres pendant les sept ans de préparation du film. Il s'agissait de montrer ses actions pour donner un sens à sa vie.

Vous semblez avoir occulté différents aspects de la personnalité du Che.
SS : Ce n'était pas le bureaucrate qui nous intéressait, mais le guerrier. Après les événements à Cuba, il a quitté toutes les choses importantes pour lui, comme sa femme et ses enfants, uniquement pour suivre ses convictions. Mais je ne voulais pas non plus faire de lui un saint.
Vous nous montrez pourtant essentiellement sa mansuétude... Des libérations de prisonniers à foison, de la bienveillance en veux-tu en voilà. Une sorte d'icône immaculée. Il aurait pourtant signé des centaines d'exécutions.
Benicio Del Toro : Je veux bien qu'on en parle, mais de quelles exécutions parlez-vous ? A quel moment ? Vous avez lu The Bolivian Diary (Journal de Bolivie -1968) ? Non ? Vous devriez, pour que l'on puisse en discuter...

Il n'y a pas qu'un livre... Dans une révolution tout est rarement blanc ou noir !
BDT : Les gens y verront ce qu'ils veulent y voir. Le Che ne jouait pas de la guitare. Il tirait sur des gens, il y a une différence !

Benicio, vous avez grandi en Amérique Latine, quelle était l'image véhiculée alors par le Che ?
BDT : J'ai grandi à Porto Rico. C'est un territoire des Etats-Unis. A l'école, jusqu'à ce que j'aie 14 ans, on ne parlait jamais du Che ni de la révolution cubaine. Il n'y avait pas de tee-shirt Che Guevara. Ça n'était pas vraiment à la mode. C'est dans une chanson des Stones que j'ai entendu parler de lui pour la première fois. Puis à Mexico, j'ai vu son portrait. Je me suis alors intéressé à lui, à ses écrits. C'était un très bon écrivain. Et j'ai découvert que l'histoire de Porto Rico était assez parallèle à celle de Cuba. On s'est battu contre le colonialisme espagnol, il y a aussi eu des mouvements séparatistes. Même si aujourd'hui les petits portoricains sont de vrais petits américains...

Est-ce difficile d'interpréter une telle icône ?
BDT : Très difficile. Il faut surtout avoir confiance dans le travail collectif, dans l'équipe. Les acteurs ont souvent peur et Steven a vu cette peur sur mon visage. Il a vu que j'étais prêt à tomber dans les pommes. Il m'a dit : "c'est impossible de le jouer ou même de faire un film sur lui, alors essayons !" . Deux semaines après le début du tournage, il a vu que j'avais toujours ce même regard. Il a donc décidé de me montrer un extrait de ce qu'on avait tourné. Mais ça ne m'a pas vraiment aidé... Enfin, il aura essayé ! (rires).

Comment avez-vous pensé chaque volet de cette biographie ?
SS : Dès le départ, j'ai voulu faire deux films en miroir. Le style du premier devait donner de l'espoir. Il montre la victoire du peuple à Cuba. Le second, en Bolivie, donne une impression désagréable. Une tension traverse le film. L'avenir y est toujours incertain. Cette partie est cruciale car pour moi, il est plus important de se rapprocher de quelqu'un quand il fait face à l'échec plutôt que face à la gloire. Ça montre aussi les limites de son idéologie.

Che, L'Argentin (1ère partie), de Steven Soderbergh - sortie le 7 janvier 2009
Che, Guerilla (2ème partie), de Steven Soderbergh - sortie le 28 janvier 2009

Le Che en dates ;

1928 : Naissance à Rosario en Argentine.
1948 : Etudes de médecine à Buenos Aires.
1951 : Premier voyage à travers l'Amérique Latine.
1953 : Second voyage à travers l'Amérique Latine.
1955 : Rencontre avec Fidel Castro à Mexico.
1959 : Triomphe de la révolution à Cuba.
1964 : Discours du Che à l'ONU contre la politique extérieure Américaine.
1965 : Le Che se rend au Congo pour y mener la révolution.
1966 : Après la déroute au Congo, début de la révolution en Bolivie.
1967 : Exécution du Che à La Higuera en Bolivie.

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