L’Opéra de Lyon a décidé de surprendre et de détonner avec une œuvre à la croisée des genres : un opéra pop de John Adams présenté au théâtre de la Croix-Rousse.
Après une Tosca de Puccini qui aura tôt fait de rassasier les amateurs de classiques, l’Opéra de Lyon, en collaboration avec le théâtre de la Croix-Rousse, nous propose une respiration qui tranche en douceur avec le reste de sa programmation. Car I was looking at the ceiling and then I saw the sky est d’un genre à part : une curiosité lyrique quelque part entre la comédie musicale et l’opéra rock, née de la plume d’un compositeur de musique “savante”. Après deux ouvrages lyriques au style certes enlevé mais académique, John Adams accouche en 1995 de cette “pièce chantée en deux actes”, véritable ovni dialectique entre musique savante et musique populaire.
Los Angeles, de nos jours
L’action de ce drame social et amoureux est située de nos jours, dans la ville de Los Angeles, où sept personnages, tous jeunes et d’origines différentes (Noirs, Blancs, Asiatiques, Hispaniques…), voient leur destin basculer à la suite d’un séisme. C’est de cet événement déclencheur que vient le titre à rallonge, qu’on traduira par “Je regardais au plafond et soudain j’ai vu le ciel”, évoquant le témoignage d’une habitante de Los Angeles qui a vu le toit de son appartement s’envoler. La catastrophe naturelle déclenche un enchaînement de situations dressant une fresque de la société urbaine et de ses contradictions.
Electric city
À la dimension urbaine et multiculturelle du livret de la poétesse June Jordan, John Adams associe une partition électrique trépidante faite de vingt plages vocales et instrumentales aux styles très variés, dont l’unité évoque les “concept albums” pop-rock de la fin des années 1960 et des années 1970. L’instrumentarium original exploite les ressorts de l’amplification avec sa rythmique rock (basse-batterie), la guitare usant volontiers de la distorsion, ou les synthétiseurs… tout en lui adjoignant les sonorités plus acoustiques du piano, omniprésent, ou d’instruments à vent (clarinette, clarinette basse, saxophone alto). Supporté par cet arsenal inhabituel, Adams distille sophistication mélodique et richesse harmonique dans une succession de tubes convoquant de multiples références (gospel, jazz, music-hall, rock progressif…).
Si le résultat tient un peu du patchwork, évoquant Queen, Bowie, Elton John, Starmania ou la comédie musicale Hair, le divertissement est à son comble et l’on ne s’ennuie pas ! Les six comédiens, également chanteurs (amplifiés) et danseurs, tous issus du studio de l’Opéra de Lyon, jouent sous la direction du chef Vincent Renaud, le Roumain Eugen Jebeleanu signant la mise en scène de cette œuvre résolument à part.