Daniel Fish

Opéra de Lyon : Candide de Bernstein, entre comédie musicale et danse

Œuvre inclassable, aux frontières de la comédie musicale et de la danse, Candide de Leonard Bernstein vient à point nommé pour égayer nos premières soirées d’hiver de ses instrumentations multicolores et ritournelles fantaisistes.

Datant du début des années cinquante – au même titre que West Side Story –, Candide de Bernstein est une œuvre à part, richissime à plus d’un titre. S’inspirant de Candide ou L’Optimisme de Voltaire, Lillian Hellman exploite tout le potentiel narratif du conte philosophique pour dresser un livret solaire et facétieux. Surpris en plein ébats avec Cunégonde, la fille du baron Thunder-ten-tronckh (déformation burlesque du néerlandais qui signifie grossièrement “chandelle pour allumer une souche”), Candide se voit chassé du château où il coulait des jours heureux.

Il découvre alors le monde, et va de déconvenue en déconvenue sur les chemins d’un long voyage initiatique qui consacre la faillite de la philosophie optimiste de son maître Pangloss. Si le conte s’inscrit dans la philosophie des lumières et le “progressisme” de l’époque, force est de constater les aspects conservateurs du texte vu de nos yeux actuels. La dramaturge et scénariste Hellman, qui fut après-guerre, en raison de son activisme, victime des persécutions perpétrées contre les communistes et blacklistée à Broadway, s’empare du matériau initial pour y insérer des charges virulentes contre le maccarthysme – que Bernstein compare à l’Inquisition espagnole – ou les conservatismes religieux et l’American Way of Life.

Du grand Bernstein

À sa création en 1956, Candide est un échec, par trop inclassable entre comédie musicale et opéra, l’œuvre ne trouve pas sa juste place à Broadway. La plupart des chansons sont pourtant enregistrées au disque, assurant la postérité de l’opéra qui verra de nombreuses révisions avant de s’imposer à sa juste valeur.

Et pour cause, ce petit miracle de syncrétisme d’une densité folle regroupe tout ce qu’il est permis d’espérer d’une œuvre lyrique au milieu du XXe siècle. Tout y est et même davantage ! De la sophistication des orchestrations – domaine où Bernstein, qui demeure l’un des plus grands chefs du siècle, excelle – à la richesse thématique, en passant par l’évidence des mélodies, le rythme infernal auquel les scènes s’enchaînent, le caractère haut en couleur des personnages, Candide fait mouche !

La variété des registres stylistiques et des références à l’histoire de la musique présentes dans la partition en fait un objet singulier qui évoque Haendel, Mozart, l’opérette française d’Offenbach ou celle, viennoise, de Strauss… Sans oublier la musique du XIXe siècle à qui Bernstein affirmera avoir voulu écrire une “lettre d’amour”. Le tout dans un élan moderniste et “pop” qui, à l’instar de La Flûte enchantée de Mozart, fait qu’au long des 2 heures 30 de l’œuvre, on ne s’ennuie pas une seconde.

C’est à Daniel Fish qu’a tout naturellement été confiée la mise en scène de cette nouvelle production de l’Opéra, lui qui a su s’imposer comme une figure incontournable de la comédie musicale américaine. Situant son travail à la frontière du théâtre, de l’opéra et du cinéma, il fait ici appel au concours de la chorégraphe Annie-B Parson, s’inscrivant ainsi dans les traces des grandes comédies de Broadway.

Un parti pris que ne discutera pas Wayne Marshall, grand spécialiste de Gershwin, Bernstein et des comédies musicales US, qui délaissera son piano pour diriger avec verve l’orchestre de l’Opéra, ses chœurs et le plateau de jeunes solistes invités pour l’occasion.


Candide de Bernstein – Du 16 décembre au 1er janvier, à l’opéra de Lyon


 

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