L’Opéra de Lyon nous a habitués aux surprises. En voilà une de taille : L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Quand le compositeur Michael Nyman saisit un cas clinique retranscrit par le neurologue Oliver Sacks, cela donne l’un des opéras les plus originaux de l’histoire.
“M. P. et son épouse se rendent à la clinique du docteur S., neurologue. P. a des problèmes de vue : après la consultation, au lieu de reprendre son chapeau, confondant la silhouette de sa femme avec le porte-manteau, il saisit la tête de celle-ci...”
Cette anecdote qui paraît tout droit sortie d’un sketch des Monty Python ou de quelque récit dadaïste est pourtant tirée d’une histoire vraie, observée et racontée par Oliver Sacks, le neurologue en question*. M. P. est en effet atteint de la maladie d’Alzheimer et les symptômes, outre des comportements au-delà du loufoque, prennent chez lui la forme d’une synesthésie aiguë liée à la musique.
Excellent chanteur, il trouve peu à peu des cadres “mélodiques” qui lui permettent de mieux organiser sa vie et ses émotions : en fredonnant des lieder de Schumann, il parvient à canaliser ses pensées et à venir à bout des tâches quotidiennes (rasage, habillement, repas…), insurmontables pour lui sans cette somme de repères musicaux.
L’homme qui prenait un cas clinique pour un livret d’opéra
Fasciné par ce récit, Michael Nyman demande à Christopher Rawlence de l’adapter en livret d’opéra. Le compositeur, révélé au grand public par la musique du film Meurtre dans un jardin anglais (et plus tard celle de La Leçon de piano et de Bienvenue à Gattaca), se chargera de la partition, fidèle à la “patte” symphonico-pop qui a fait (et fera) son succès.
Une curiosité, donc, qui ravira tous ceux qui déplorent, à juste titre, la médiocrité et l’inutilité de 99 % des livrets d’opéra. Cette nouvelle production, mise en scène par Dominique Pitoiset, est donnée au théâtre de la Croix-Rousse, avec des solistes issus du studio de l’Opéra de Lyon et Philippe Forget à la baguette.
* Oliver Sacks, L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau et autres récits cliniques, Points Seuil, 1re publication 1985.
L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau – Du 13 au 17 novembre, au théâtre de la Croix-Rousse. Réservations uniquement par téléphone, au 04 72 07 49 49.
Mise à jour lundi 16 novembre : les représentations des 14, 15, 16 et 17 novembre ont été annulées, conformément au deuil national décrété suite aux attentats de Paris.