L’Opéra de Lyon reprogramme le Carmen mis en scène par Olivier Py en 2012. À peine trois ans plus tard, on se souvient très bien de l’interprétation, de la direction (époustouflante)… et des sifflets. Mais pourquoi reprendre aujourd’hui ce Carmen ?
Le Carmen de Bizet confié à Olivier Py par l’Opéra de Lyon est déjà de retour ! 2012, c’était il y a trois saisons seulement et ce spectacle avait bénéficié d’une exposition particulière, faisant l’objet d’une vidéotransmission en plein air dans 14 villes de Rhône-Alpes, permettant ainsi à 25 000 spectateurs (en plus du public de l’Opéra) d’y assister. Dans ce contexte, la reprise de cette production pose question.
Matraquage
Bien entendu, Carmen est un de ces succès indémodables qu’on revoit inévitablement dans une vie de mélomane. Un carton populaire qui déplace sans mal les foules curieuses de reconnaître telle ou telle ritournelle entendue à la télé pour vendre les Pages jaunes, des petits pots pour bébé, une huile de friture ou un produit vaisselle...
Que les publicitaires aient puisé dans l’œuvre de Bizet pour vendre aux ménages tout et n’importe quoi est révélateur de la force communicative de ses thèmes et airs d’une efficacité redoutable. C’est tout à l’honneur du compositeur d’avoir livré autant de “singles” évidents (L’amour est un oiseau rebelle, Toreador en garde, Près des remparts de Séville...), immortels et indélébiles. À la fois virtuoses et suffisamment simples et mémorisables par le quidam, qui les fredonnera aisément sous la douche.
Ces tubes, une fois broadcastés à grande échelle via l’opération “Carmen sur grand écran”, encourageraient-ils le public, trois ans plus tard, à aller voir ça “en vrai” ? C’est peut-être le pari de l’Opéra de Lyon. Après le matraquage à la télé, on passe donc au matraquage à l’opéra, un concept pas vraiment nouveau (la plupart des théâtres de France et de Navarre l’ont pratiqué), mais que le public lyonnais s’était vu jusque-là épargner.
Sifflets
Tant pis pour la redite mais, sans outre-spoiler, parlons un peu de ce Carmen à la mise en scène très pop (voire “popu”), spectaculaire et volontairement “cheap” à la fois, signée Olivier Py. Une production controversée, récoltant à sa création en 2012 les foudres d’une partie du public à l’issue de la première représentation.
Les sifflets étaient-ils dirigés à l’encontre de la mise en scène, du rôle-titre, de la direction musicale ? Difficile à dire... S’il est vrai qu’on aurait pu attendre une Carmen plus véhémente (“lyrique” n’aurait ici aucun sens), on avait cependant été charmé par la précision et la délicatesse de l’interprétation. Quant à la direction, le chef Stefano Montanari, à la baguette en 2012, s’était révélé époustouflant de justesse, délivrant une vision à la fois analytique, pleine de charme et laissant entendre des détails d’orchestration que les habituelles lectures pachydermiques font souvent passer à la trappe.
La mise en scène, à peine olé olé, vulgaire juste ce qu’il faut (“antibourgeoise”, selon Olivier Py) n’avait pour sa part pas de quoi choquer : on voit bien pire dans les spectacles d’opérette ! Mystère, donc.
Comme de manière à isoler les différents facteurs, l’Opéra a cette fois élu une nouvelle Carmen (Kate Aldrich) et confié la direction à Riccardo Minasi. Reste la mise en scène de Py : suspens...