Our Body : Les cadavres peuvent rapporter gros

Polémique. Refusée par la Villette, suite à un avis négatif du comité national d'éthique, Our Body s'installe à la Sucrière du 28 mai au 3 août. Cette exposition, qui a vocation à battre tous les records de fréquentation, présente de véritables corps humains écorchés. Les objectifs "artistiques et pédagogiques" affichés par les organisateurs font débat.

Attention, exposition dérangeante. D'après ses organisateurs, elle a déjà été vue par 30 millions de personnes dans le monde, mais c'est pourtant la première fois qu'elle sera présentée en France. La Sucrière a été réservée pour trois mois par un promoteur privé dans la plus grande discrétion. La conférence de presse de présentation, convoquée au dernier moment, est prévue le jour même de l'inauguration, mardi 27 mai. Avant, les attachés de presses parisiens chargés de l'événement délivrent le moins possible d'infos... Et aucune image. Il s'agit sans doute de mettre les éventuels opposants devant le fait accompli. Car l'objet de l'exposition n'est pas anodin : Our body / A corps ouvert présente de véritables corps humains écorchés pour que l'on puisse observer leurs os, muscles et organes internes. Les corps ont été "plastinés" selon une technique mise au point en 1977 par un Allemand, Gunther von Hagens. L'opération, très longue (1500 heures de travail), consiste à plonger les corps dans des bains de formol puis d'acétone à -25ème pour remplacer toutes ses graisses et liquides par de la silicone. On obtient au final "un spécimen anatomique solide et durable, presque éternel" précise le maigre communiqué annonçant l'événement.

Présentée comme "artistique et pédagogique", Our Body a fait un carton partout où elle est passée dans le monde. Elle aurait pu atterrir à la cité des sciences de la Villette. Comme le révèle Lyon Capitale, le musée parisien avait en effet envisagé de l'accueillir en octobre prochain. Il a préféré une expo moins polémique sur les épidémies dans le monde. "Ç'a été à l'étude. On a décidé de ne pas le faire. Tout le monde n'était pas forcément d'accord... On avait deux projets en concurrence, c'est celui sur les épidémies qui est passé. Ce sera notre grande exposition de rentrée (octobre 2008). Elle correspond d'avantage à des thèmes d'actualité" explique Alain Rollet, responsable des relations avec les médias de la Villette. Après avoir pris quelques renseignements, il rappelle : "Pour "Body Word", on a saisi le comité national d'éthique, qui a émis un avis défavorable. On pouvait passer par dessus, on a décidé de le suivre."

Composé de chercheurs, de religieux et de personnalités qualifiées, ce comité émet en effet des avis uniquement consultatifs (lire ci-contre). Contacté, il n'a pas souhaité répondre à nos questions : "les avis du comité sont confidentiels, il appartient à ceux qui nous saisissent de décider de les rendre publics." Malheureusement, la Vilette n'a pas accepté, pour l'instant, de "déclassifier" cet avis. Dommage, il aurait peut-être pu éclairer les Lyonnais qui envisagent de se rendre à cette exposition. Car les spectateurs risquent de se retrouver un peu seuls face aux questions qu'ils ne manqueront pas de se poser. Suite au refus de la Villette, ce n'est pas un musée qui a pris le relais, mais l'ancien tourneur de Téléphone, Pascal Bernardin. L'homme est sans doute une pointure, sa notice au Who's who précise qu'il a déjà "produit" des spectacles hors normes, comme Bob Marley au Bourget (1981), Michael Jackson au Parc des Princes (1987), The Rolling Stones au Parc des Princes (1990), Madonna au parc de Sceaux (1990), ou plus récemment les tournées de Disney sur glace, Riverdance, Lord of the Dance, Bagdad Café... On lui fait confiance pour rentabiliser une exposition pour laquelle "il a eu le coup de foudre à Orlando (Floride)" et qu'il est "le premier à avoir l'audace de présenter en France", comme le clame son attachée de presse. Mais rien n'indique dans sa bio qu'il est "outillé" pour accompagner les visiteurs dans leurs questionnements éthiques, comme les musées de sciences ou même d'art contemporain savent le faire. Rien n'indique non plus dans le communiqué de presse que ces interrogations soient au cœur de sa démarche.

Pour l'heure, le monde culturel est partagé sur cette exposition, tout comme ceux de l'enseignement ou de la médecine (lire ci-contre). Alors, y aller ou pas ? Faut-il y emmener ses enfants, comme l'encouragent les organisateurs ? A chacun de trouver sa réponse.

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