"J'aimais encore plus ma ville. Elle prenait des couleurs superbes. On rénovait les églises, les façades, le Vieux-Lyon. Pourtant, je comprenais d'autant moins pourquoi la musique baroque n'existait pas ici. J'ai voulu concilier deux passions : ma ville et ce genre de musique. Je me suis lancé. J'ai fait venir des musiciens baroques afin de les faire découvrir au public lyonnais. Les concerts se déroulaient dans toutes les églises. C'était un vrai Barnum !" 25 ans plus tard, Eric Desnoues, fondateur et directeur, a installé son festival à la Chapelle de la Trinité, un joyau d'architecture baroque. "Lorsque Michel Noir a entrepris de rénover cette chapelle, j'ai commencé à faire du lobbying pour y tenir nos concerts. Eux voulaient en faire un caveau jazz", se remémore-t-il. "Denis Trouxe, devenant adjoint à la culture m'en a confié les clefs et la gestion." Le festival, outre son excellence musicale, est un exemple de bonne intendance. Les recettes propres (billeterie, activités commerciales et mécénat) atteignent près de 70% du budget. Les subventions publiques moins d'un tiers. C'est d'ailleurs grâce à un financement de Total que la Chapelle va s'embellir. Le groupe pétrolier, dont l'image est écornée, va financer douze lustres pour une valeur de 200 000 euros.
Pour sa 25e édition, le Festival de musique baroque s'est doté d'une très belle affiche. William Christie et ses Arts Florissants ouvriront les festivités, le 14 novembre, avec des œuvres de Lully, Charpentier et Moreau. Se succèderont ensuite les coups d'éclats. L'Orfeo de Monteverdi, premier opéra de l'histoire de la musique dont on célèbre le 400e anniversaire de la création, sera interprété par l'ensemble La Venexiana (le 17 novembre). Pour la première fois en France, sera joué le Miserere de José de Nebra, œuvre espagnole du XVIIIe se rapprochant du Stabat Mater de Pergolese (le 25 novembre). Sandrine Piau avec l'ensemble Les Paladins porteront aux nues les héroïnes des opéras de Haendel et Vivaldi, les 27 & 28 novembre. Au nombre des autres belles surprises, l'on retrouvera Philippe Jaroussky, Victoire de la musique 2007, dans le Stabat Mater du compositeur italien Giovanni Felice Sances (4 décembre) et l'on découvrira, le 1er décembre, les chants religieux de Russie avec le chœur d'hommes du monastère Saint-Alexandre Nevsky de Saint-Petersbourg. Le festival s'achèvera avec des airs de Noël vénitien du XVIIe par l'ensemble la Fenice (14 décembre), des concertos pour violon de Vivaldi avec Giuliano Carmignola et le Venice Baroque Orchestra (18 décembre) et une étonnante rencontre entre la danse flamenco et la musique de la renaissance espagnole (16 décembre).
25e Festival de musique baroque de Lyon, du 14 novembre au 18 décembre. Chapelle de la Trinité, 29 rue de la Bourse, Lyon 2.
04 78 38 09 09 ou
www.lachapelle-lyon.org
CRITIQUE
Le maître s'installe sur la scène de la sublissime chapelle. Une alarme retentit dans la rue. William Christie s'agace, maugrée, lançant des regards furieux au public qui, se sentant en disgrâce, voudrait presque s'excuser de cet attentat. L'odieuse sirène interrompt sa sérénade sécuritaire. Les rangs
du public retentissent d'un " aaah " soulagé. Le concert s'envole dans l'enchantement, la plénitude et l'enlacement des voix de femmes et des œuvres de Lully et Charpentier. Sainte Thérèse et ses ébranlements extatiques reviennent en mémoire : " La douleur était si vive qu'elle me faisait pousser ces gémissements dont j'ai parlé. Mais la suavité causée par ce tourment incomparable est si excessive que l'âme ne peut en désirer la fin, ni se contenter de rien en dehors de
Dieu. Ce n'est pas une souffrance corporelle ; elle est spirituelle. Le corps cependant ne laisse pas d'y participer quelque peu, et même beaucoup. "
Guillaum Tanhia