Mer Morte, Jordanie © Farida Hamak
Mer Morte, Jordanie © Farida Hamak

Photo, peinture, cartes blanches… Les expos à voir à Lyon en février

Ce mois-ci, nous vous proposons de longer le Jourdain jusqu’au Japon en faisant un saut Deroubaix à Saint-Étienne, et d’aller chercher l’avant-garde au début du XXe pour vous perdre dans le regard d’une fine mouche contemporaine. Bon voyage.


Le Jourdain d’Hamak à Regard Sud

Farida Hamak a quitté l’Algérie avec ses parents en 1956, puis est devenue reporter de guerre et rédactrice en chef de mode pour un groupe de presse du Moyen-Orient. En 2011, elle s’est installée à Lyon. “Au détour du Jourdain”, ce fleuve qui arrose le Liban, la Syrie, Israël, la Palestine et la Jordanie avant de se jeter dans la mer Morte, retrace quelques voyages, des séquelles des guerres et sa dimension biblique. La blancheur du Ghor, le sel, le fleuve Yarmouk, les sources chaudes du Golan rappellent une région entre mythes et dure réalité.

Farida Hamak / Border line, au détour du Jourdain – jusqu’au 9 mars à la galerie Regard Sud

Les transformations d’Ysel Fournet à Vrais Rêves

Calliphora © Ysel Fournet
Calliphora © Ysel Fournet

Ysel Fournet, né en 1977 dans une communauté hippie du sud de la France, a étudié la photographie à l’école des Gobelins à Paris. Après avoir sillonné la France dans son camion, il travaille actuellement à Louisfert sur sa terre d’adoption qu’est la Bretagne. Photographe de reportage puis photographe plasticien, il pratique aussi la peinture, la sculpture et le théâtre. Il propose un univers surréaliste et dérangeant qui ne laisse pas de place à l’indifférence. Il se penche sur des limites de l’existence : vieillesse, handicap, maladie, pauvreté, ici ou en Afrique. Il témoigne, met en scène, mêle portrait, reportage et création plastique. Le mot Calliphora désigne une mouche bleue qui décompose les matières organiques et “qui porte la beauté”. Tout ce qui est mort est transformé en un autre vivant.

Ysel Fournet / Calliphora – jusqu’au 3 mars à la galerie Vrais Rêves


HORS AGGLO

De La Fresnay à Villefranche

Roger de La Fresnaye – Homme à la pipe, 1917. Aquarelle sur papier © DR
Roger de La Fresnaye – Homme à la pipe, 1917. Aquarelle sur papier © DR

Contemporain de Picasso, Roger de La Fresnaye (1885-1925) a un parcours classique, maîtrise la figuration, découvre la tentation géométrique et le désir d’avant-gardisme. L’homme connaît la guerre, les morts, les états d’âme sombres et douloureux qui lui font rechercher un “ordre des choses”. Son œuvre existe déjà dans la volonté de mêler tradition, y compris la figuration, et nouvelles directions dont celles des nabis et du cubisme. Lyon et son musée des Beaux-Arts lui avaient consacré une exposition en 1951.

La Fresnaye a rencontré l’académisme, la “modernité” d’alors (Étienne Morillon, Adrien Bas, les Ziniars), le cubisme (dès 1912), les musiciens du Groupe des Six et Gabriel Chevallier, l’auteur de Clochemerle et de La Peur, alors également peintre – avant qu’il ne détruise toutes ses œuvres. Assez tôt, il a peint des natures mortes et des portraits peu traditionnels. Cette exposition l’inscrit entre ses amis ou émules et permet de revoir son fameux Cuirassier de 1910 habituellement présenté au musée des Beaux-Arts de Lyon. La Fresnaye a également illustré des livres de Rimbaud, Francis Jammes, Paul Claudel et André Gide et produit des sculptures. Il est mort en 1925, à quarante ans, d’une tuberculose contractée pendant la guerre.

NB : Profitez de votre visite pour faire un tour, au rez-de-chaussée, dans la collection permanente – toujours renouvelée – et à côté, à l’espace Cornil, dans la collection contemporaine du musée.

Roger de la Fresnaye / La tentation du cubisme – Jusqu’au 10 février au musée Paul-Dini (Villefranche-sur-Saône)

Et Deroubaix à Saint-Étienne

Damien Deroubaix – Painter 4 (Slayer), 2018. Huile et collage sur toile, 200x150 cm – Courtesy de l’artiste et de la galerie In Situ © ADAGP, Paris 2018
Damien Deroubaix – Painter 4 (Slayer), 2018. Courtesy de l’artiste et de la galerie In Situ © ADAGP, Paris 2018

Dans le cadre de son 30e anniversaire, le MAMC a donné carte blanche à Damien Deroubaix, artiste majeur de la scène stéphanoise des années 1990. L’exposition qui en découle est intitulée “Headbangers Ball”, reprenant le nom de l’émission musicale culte du début des années 1990 consacrée au metal, diffusée par MTV.

L’artiste présente ses dernières œuvres picturales, resituées dans le contexte musical auquel il a été particulièrement attaché dès ses premiers travaux. Il dédie l’exposition à sa vision de la peinture, à travers un ensemble de tableaux reprenant les grands thèmes (la muse, la vie, la mort, le déjeuner sur l’herbe…), d’imposants autoportraits comportant ses obsessions (Guernica, Pablo, Delacroix, Totentanz…) présentés aux côtés d’une sculpture en verre, Putrefactio. Enfin, le monde extérieur avec des sources d’influence qui ont enrichi son travail : générique de Headbangers Ball, du film Le Mystère Picasso de Clouzot, de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, extraits des Temps modernes de Charlie Chaplin et des Valseuses, vidéoclips…

Damien Deroubaix / Headbangers Ball – Jusqu’au 24 février au musée d’Art moderne et contemporain (Saint-Étienne)

Jusqu’au 24 également : la présentation d’œuvres de la collection du musée “de Monet à Soulages” et de travaux de Maxime Duveau (prix des partenaires 2017).


PLUS LOIN

L’esprit nippon au musée Hébert

Vannerie de Takayuki Shimizu © DR
Vannerie de Takayuki Shimizu © DR

“Esprit Japon”, la carte blanche offerte à Martine Rey par le musée Hébert, propose de découvrir – de France, à travers le dialogue entre les cultures des deux pays – dix artistes vivants japonais et français qui ont su renouveler les arts traditionnels nippons : calligraphie, laque, vannerie de bambou, céramique, kimono et jardin zen. L’artiste iséroise a fait une partie de sa formation à l’université des beaux-arts de Kyoto. Elle revient d’une résidence, dans la catégorie métiers d’art, à la villa Kujoyama de l’Institut français du Japon. Imprégnée de l’esthétique Mingei, prônant la beauté des objets d’usage quotidien et leur dimension spirituelle, Martine Rey propose de faire dialoguer les cultures des deux pays à travers une rencontre des artistes-artisans vivants, japonais et français, qui créent comme elle dans l’esprit de cette tradition : Mami Adachi, Monique Deyres, Naoko Ito, Laurence Klein, Lætitia Pineda, Fumié Sasai, Takayuki Shimizu, Mine Tangawa, Hiroshi Ueta. La culture japonaise ne fait pas la différence entre l’art et l’artisanat. Au Japon, il n’y a pas de bel objet qui ne renvoie à celui qui l’a réalisé, mais aussi aux générations qui ont transmis le savoir-faire nécessaire. C’est pourquoi les hommes peuvent être élevés, souvent de père en fils, au rang de “trésors nationaux” (kokuhô) au même titre que les monuments, les œuvres d’art ou les techniques. Ici, dans la maison d’Ernest Hébert, quelques objets acquis par le peintre ou provenant de collections privées évoquent également la naissance du japonisme au milieu du XIXe.

Esprit Japon / carte blanche à Martine Rey – jusqu’au 25 mars au musée Hébert / La Tronche, Isère


[Ces textes sont extraits de Lyon Capitale n°785 (février 2019) et de notre supplément Culture janv-juin 2019]

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