Jean-Louis Murat

Pop-Rock, nouveautés musicales pour le confinement

La culture à la maison. La période est propice à emprunter des chemins de traverse pour accéder à la culture sans sortir de chez soi. Et il n’y a pas que la lecture pour combattre l’aliénation du confinement. Notre sélection pop-rock.

Cavale

Cavale

Cavale (Ditto Music)

Les amateurs de rock lyonnais se sont sans doute demandé un temps où était passé le groupe Taïni & Strongs et sa pétulante chanteuse de poche à l’énergie atomique. Arrivée “au bout de l’aventure”, comme on dit en téléréalité, Ambre Pretceille avait choisi de dissoudre elle-même le groupe qu’elle avait formé avant qu’il ne la dissolve. S’il lui a fallu plus de temps qu’escompté pour remonter à cheval, elle nous revient avec un projet sacrément bien agencé, librement inspiré d’une pièce de théâtre de Patti Smith et Sam Shepard, Cowboy Mouth et de son héroïne Cavale à qui elle emprunte son nom de scène. Résolument pop, Cavale est surtout une projection très intime de ce qui anime la chanteuse comme la femme, une mise à nu sous le masque. En témoignent deux titres Future et Past se regardant en miroir. La chose, remarquable de perfectionnisme, est sortie le 20 mars sous la forme d’un EP 4 titres. En attendant plus. Courez écouter ce grand petit disque de Cavale.

 

Jean-Louis Murat

Baby Love (Pias)

Chaque année, à peu près à date fixe, vient le temps du Murat nouveau, aussi régulier que le beaujolais mais bien plus surprenant. Après des albums échappatoires tels Travaux sur la N89 (ovni WTF en forme de suicide commercial) et Il Francese (retour à des formats plus classiques mais sous influence électro-hip-hop), un troisième disque aurait dû compléter ce qui devait être une trilogie. Mais comme Murat est insaisissable il en prend le contre-pied, revenant à une démarche qui peut rappeler Cheyenne Autumn (1989) et Dolorès (1995) avec l’omniprésence du gourou des claviers et ami Denis Clavaizolle. Un Murat qui se fait soulman désabusé à la Marvin Gaye, en sortie (définitive ?) d’une énième histoire d’amour. Baby Love s’inscrit ainsi dans la belle tradition de l’album de rupture (dans toutes les acceptions du terme) mais avec un sens du groove hautement consolateur qui permet de passer à la suite. Et, avec Murat, la suite n’est jamais loin.

 

Studio Electrophonique

Studio Electrophonique

Buxton Palace Hotel (Violette Records)

Il devait se produire dans l’intimité le 9 avril au bar La Triperie sur les Pentes. Il n’en sera rien, report oblige. On pourra se consoler avec l’écoute solitaire de son Buxton Palace Hotel, son seul et unique disque à ce jour. Comme son nom ne l’indique pas, Studio Electrophonique est un Anglais de Sheffield dont la publication d’un vinyle de 6 titres en édition très limitée a suffi à répandre son talent comme une traînée de poudre. Six titres enregistrés sur un quatre pistes dans sa chambre qui lui ont valu d’être convoqué en première partie d’Étienne Daho à l’Olympia en janvier. À la fois minimalistes et sophistiqués, mélancoliques et lumineux, ses morceaux, merveilleusement écrits, rappellent autant le Velvet Underground de Sunday Morning que Belle & Sebastian, Dominique A et Syd Barrett. Ils sont des petits accès de joyeuse mélancolie dans l’esprit d’un jeune homme qui se dit heureux. C’est aussi ce que provoque sa musique : une mélancolie qu’on aimerait ne pas quitter.

Cabane

Cabane

Grande est la maison

(Cabane Records)

On va avoir grand besoin de calme dans les semaines qui viennent. Et sans doute de trouver de nouveaux espaces, en soi comme dans les coins les plus reculés de sa maison/son appartement. C’est un peu ce que parvient à faire le Français Cabane : pousser délicatement les murs pour nous livrer un disque qui n’est pas sans ressembler à un conte de fées raconté au fond des bois. Et qui a pour ambitieux titre – pour une Cabane, s’entend – Grande est la maison. Ça commence par un Tu ne joueras plus à l’amour chanté par le countryman américain Bonnie “Prince” Billy (non, il ne suffira pas de jouer à l’amour par les temps qui viennent, il va falloir plus que ça) et ça se poursuit avec Now, Winter Comes avec Kate Stables de This is The Kit. Les deux alternent au chant (ou parfois s’associent) de leur voix fluette et haut perchée au gré de compositions d’une douceur infinie, rappelant, tel Nick Drake ou telle Vashti Bunyan plongés dans un bain de cordes de chambre, une BO de Disney pour adultes. Un disque qui prend son temps et nous enjoint à faire de même, ça tombe bien, on a tout le temps du monde.

 

Arandel

Arandel

InBach (InFiné)

Dans son dernier disque, Arandel fait quelque peu voler en éclats son dogme (de l’électro sans recours aux machines, composée en ré) en répondant en une seule fois à une double commande de la Philharmonie de Paris (originellement un mix autour de Bach) et du musée de la Cité de la musique (un disque réalisé avec leur collection d’instruments anciens du musée). Et voilà comment est né InBach, où le musicien a pioché dans l’œuvre de Bach (la chose fut mille fois faite par d’autres avant lui) pour livrer de nouvelles versions de ses compositions arrangées à sa guise, complétées, augmentées, démontées, remontées. Avec à ses côtés une pléiade d’interprètes de cristal baschet, de clavecin, d’ondioline, de viole de gambe... : Sébastien Roué, Gaspar Claus, Thomas Bloch. Mais aussi de chanteurs invités : Emmanuelle Parrenin, Ben Shemie, Petra Haden, le grand Areski et Barbara Carlotti pour une Bluette aux airs de slow de l’été. C’est surprenant, plein d’invention et de délicatesse. En un mot, que l’on soit ou non amateur d’“électro”, que l’on soit ou non sensible à Bach, c’est tout simplement sublime.

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