La mise en scène de Lucie Berelowitsch d’Antigone, bientôt présentée au théâtre de la Croix-Rousse (programmée avec le théâtre du Point-du-Jour), est l’un des événements les plus attendus de cette saison théâtrale. Le spectacle a été créé à Kiev, avec une troupe en grande partie ukrainienne.
C’est presque systématique, à chaque fois qu’un metteur en scène s’empare d’une œuvre ancienne, de quelques décennies ou de quelques siècles, il en souligne les résonances avec notre monde actuel.
C’est parfois, avouons-le, un argument marketing, publicitaire. Mais la plupart du temps, ce n’est que justice : les grandes pièces sont intemporelles. Sans conteste, c’est le cas d’Antigone, la tragédie antique écrite par Sophocle, revisitée, entre autres, quelques siècles plus tard, par Jean Anouilh et Bertolt Brecht.
On peut ainsi en résumer l’argument : issue d’une lignée tissée de liens incestueux, ravagée par la violence et la guerre, Antigone est celle qui met fin à une malédiction familiale. Pour ensevelir le corps de son frère, elle enfreint la loi édictée par son oncle Créon, roi de Thèbes, et en paie le prix fort.
Mais ce qui a particulièrement intéressé la metteuse en scène Lucie Berelowitsch, dont on verra la version de la tragédie au théâtre de la Croix-Rousse, outre la fascinante figure mythique de l’héroïne, c’est le contexte de l’œuvre.
Guerre fratricide
En effet, la pièce se déroule en pleine guerre fratricide. Et cette question y revient sans cesse : à qui appartient la terre sur laquelle on naît (et l’on est) ? Une question et des thématiques qui font irrésistiblement écho à la guerre qui se déroule en Ukraine depuis plus d’un an (les premières attaques menées par les forces armées russes ont débuté le 24 février 2022).
Et cela d’autant plus que le spectacle mis en scène par Lucie Berelowitsch a été créé en 2015 dans la capitale ukrainienne, Kiev. Juste après la révolution de la Dignité, où l’on peut distinguer les prémices de la guerre actuelle, puisqu’elle a donné lieu à des affrontements entre Ukrainiens pro-Russes et Ukrainiens indépendants. “On y a vu le peuple ukrainien prendre son destin en main, descendre dans la rue et dire non !”, explique la metteuse en scène.
C’est un spectacle total que l’on découvrira à la Croix-Rousse, mêlant de façon impressionnante la partition antique, revue par Bertolt Brecht parce qu’il met davantage en exergue les jeux de pouvoir, à la danse, à la musique et aux effets spéciaux.
La partie musicale a été conçue par les Dakh Daughters, un groupe de comédiennes et chanteuses punk ukrainiennes qui a repris les grands thèmes de la tragédie pour composer ses propres morceaux. D’abord joué en trois langues (russe, ukrainien et français), le spectacle n’est désormais plus joué (et surtitré) qu’en ukrainien et en français. Portée par une énergie explosive, la pièce a été couverte de louanges partout où elle a été donnée depuis sa création.
Antigone – Du 8 au 10 mars, au théâtre de la Croix-Rousse (en coprogrammation avec le théâtre du Point-du-Jour)