Quais du polar donnera la parole à quelques auteurs espagnols déjà renommés tels Javier Cercas, Victor del Árbol ou Carmen Mola.
La Grande Librairie de Quais du polar © Sandrine Thesillat

Quais du Polar : le noir sied à Lyon… et à l’Espagne

Quais du Polar retrouve sa stature d’événement international dédié au genre policier, capable d’accueillir près de 90 000 personnes en trois jours. Avec une multitude d’événements divers – gratuits ! – et une invitation à découvrir le polar espagnol.

Nous l’avons vu le mois dernier, la Fête du Livre de Bron a retrouvé sa stature internationale, son ampleur et surtout son immense succès auprès d’un public nombreux, heureux de vivre les événements et rencontres proposés en live, physiquement présents.

Après les éditions perturbées dues à la pandémie, c’est un réel plaisir qui a la saveur des retrouvailles longtemps différées. Nul doute qu’il en sera de même avec Quais du Polar, autre grande manifestation littéraire rhônalpine qui retrouve ses dates habituelles, du 31 mars au 2 avril et son lieu de prédilection, le palais de la Bourse (même si la manifestation rayonne dans toute la ville et sa périphérie).

Comme à l’accoutumée, cette 19e édition, dirigée par Hélène Fischbach, propose quelques grandes thématiques pour structurer son abondante programmation.

Cap sur l’Espagne

Après des éditions axées sur le polar scandinave, américain ou venu de l’est de l’Europe, c’est sur un pays moins lointain, et même voisin, que se penche QDP. Sait-on qu’il y a une nouvelle vague d’auteurs ibériques désireux de prendre le relais du “maître” Manuel Vázquez Montalbán ?

QDP donnera la parole à quelques auteurs espagnols déjà renommés tels Javier Cercas, Victor del Árbol ou Carmen Mola. Mais aussi à la jeune génération et à quelques professionnels importants (éditeurs, agents et libraires) venus témoigner de la vitalité de la “novela policiaca” de l’autre côté des Pyrénées. Sans compter que le traditionnel polar écrit à quatre mains confié chaque année à un auteur français et un auteur étranger sera l’œuvre d’Olivier Truc et de l’Espagnole Rosa Montero. Olé !

International et transversal

Dès ses débuts, QDP a joué la carte de la transversalité. Il est vrai que le genre lui-même s’y prête : le polar, ce n’est pas seulement les livres, c’est aussi le cinéma, la musique, le théâtre, les séries télévisées et même la gastronomie. À ces déclinaisons, toutes développées par QDP, s’ajoutent différentes animations qui permettront de poser un regard neuf sur notre ville.

Aux balades sur la Saône s’ajoutent cette année des excursions en bus à impériale, des visites d’Interpol, de la police scientifique d’Écully ou des tribunaux judiciaires. Et pour ceux qui aiment jouer les détectives, la Grande Enquête traditionnelle s’annonce encore plus palpitante et mouvementée.

Pléthore

Impossible de rendre compte ici de tous les événements. Il y a eu plus de 150 rendez-vous culturels et 80 rencontres d’auteurs en 2022. Et 2023 promet d’être encore plus riche ! 125 auteurs sont en effet attendus, venus de 18 pays différents. Côté têtes d’affiche : R. J. Ellory, William Boyle, Elizabeth George, Michel Bussi, Christian Jacq et le Japonais Takashi Morita qui a adapté Arsène Lupin en mangas !

Autre grande tendance mise en exergue, le roman d’espionnage avec un hommage à John le Carré en présence de son fils, Nick Cornwell. On évoquera aussi les liens tissés entre journalisme et polar avec, entre autres, Alice Géraud (ex-grande plume de Lyon Capitale) et Fabrice Drouelle (un spectacle tiré de ses chroniques judiciaires est prévu à la Comédie-Odéon). Bref, Quais du Polar c’est l’occasion unique de broyer du noir… avec plaisir !

/// Caïn Marchenoir

Quais du Polar – Du 31 mars au 2 avril, au palais de la Bourse et à l’hôtel de ville. Programmation intégrale sur quaisdupolar.com


Focus

Javier Cercas, un futur prix Nobel ?

Javier Cercas © LM Palomares

Avant d’être un auteur de polar, et chroniqueur au quotidien El País, Javier Cercas est surtout un immense écrivain. De ceux qui savent mêler destins individuels et Histoire avec un grand H. D’ailleurs, il collectionne les prix et distinctions prestigieuses. Et il est traduit dans une trentaine de langues. Il est encore un peu jeune pour le prix Nobel de Littérature (il est né en 1962), mais dans dix ou vingt ans ? Les quelques lignes de présentation qu’il a rédigées pour QDP afin de se présenter reflètent bien le sens de l’humour que l’on trouve dans ses romans. “Individu dangereux. Fou refoulé. Européen extrémiste et de plus en plus asocial, selon lequel la vie sociale n’est que calcul, préjugé et vanité. Lecteur compulsif. Écrivain obsessionnel. Joueur de tennis frustré.”

/// C. M.

Terra Alta – Javier Cercas, éditions Actes Sud, 320 p., 23,50 €


Frissons Garantis avec R. J. Ellory

R. J. Ellory

Seul le silence, premier roman de R. J. Ellory, avait surpris les lecteurs par sa qualité d’écriture. Il donnait même l’impression d’être l’œuvre d’un écrivain de la trempe d’un Capote ou d’un Faulkner. Capable de restituer l’ambiance du Sud profond, avec ses odeurs, la force de la nature omniprésente et la rudesse de ses habitants. Atmosphère… Mais le talent d’Ellory ne s’arrête pas là. C’est aussi un maître du suspense : on est pris à la gorge par celui qu’il installe, aussi implacable que le couteau du serial killer qu’il évoque. Vendetta, deuxième opus traduit en français du Britannique, avait confirmé sa puissance sombre et romanesque. Mais dans une ambiance différente, qui donnait l’impression de se retrouver dans l’un de ces films de Scorsese au cœur de la mafia. Depuis, les romans se sont succédé : Le Carnaval des ombres, Le Chant de l’assassin, Le Jour où Kennedy n’est pas mort, jusqu’à Une Saison pour les ombres, sorti début janvier 2023 chez Sonatine (sa maison d’édition française à laquelle il reste fidèle). R. J. Ellory revient à Quais du Polar en habitué, lisez-le et n’hésitez pas à aller l’écouter : le bonhomme est aussi passionnant que ses bouquins.

/// C. M.

Une Saison pour les ombres – R. J. Ellory, éditions Sonatine, 408 p., 25 €


Patrice Gain, péripéties d’un Lyonnais sur les îles Féroé...

Si vous aimez les polars sombres, inquiétants mais impossibles à lâcher une fois commencés, alors Les Brouillards noirs, le dernier opus de Patrice Gain, est fait pour vous. On suit les péripéties d’un violoncelliste de l’Orchestre national de Lyon, qui s’envole vers les îles Féroé.

Ce n’est pas un voyage touristique : il est à la recherche de sa fille, disparue lors d’une action menée par un groupe de militants écolos. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas le bienvenu dans ces contrées peu hospitalières. L’hostilité des habitants de l’archipel est à l’image des paysages : fjords escarpés et brumes à couper au couteau qui entretiennent un froid glacial. Qu’importe, porté par son amour paternel, le violoncelliste va se découvrir des talents d’enquêteur jusque-là insoupçonnés. Qui lui permettront de mener des investigations ouvrant sur des réalités qu’il eût sans doute mieux valu ignorer. Notamment les massacres de baleines et de dauphins orchestrés par les pêcheurs féroïens. Attention, notre héros pourrait bien subir le même sort…

/// C. M.

Les Brouillards noirs – Patrice Gain, éditions Albin Michel, 256 p., 19,90


Passez vos nuits avec Élise Costa !

Nous l’avons évoqué plus haut, cette année QDP se penche sur les liens particuliers qui unissent le journalisme et le polar.

Élise Costa est l’une de ces journalistes qui s’intéressent de près aux affaires criminelles. Elle écrit de longs et passionnants papiers sur le site slate.fr, dans lesquels elle décortique non pas tous les faits divers qui défraient la chronique mais ceux qu’elle a choisi d’étudier en profondeur, jusqu’à en percevoir les moindres détails. Elle connaît les principaux palais de justice français pour y avoir suivi les procès les plus retentissants. Mais aussi les hôtels proches où elle a passé de nombreuses nuits, souvent sans trouver le sommeil, hantée par l’horreur des affaires qu’elle suivait. C’est ce qu’elle raconte dans son livre Les Nuits que l’on choisit. Elle décrit les procès, les enquêtes mais aussi, et c’est peut-être le plus passionnant, ses rencontres avec les protagonistes des différentes affaires criminelles et le milieu judiciaire (il y a quelques lignes éclairantes sur Dupont-Moretti alors qu’il n’était pas encore le ministre quelque peu sanguin que l’on sait). Palpitant !

/// C. M.

Les Nuits que l’on choisit – Élise Costa, éditions Marchialy, 224 p., 20 €


Alice Géraud, plongée au cœur des violences faites aux femmes

Alice Géraud

Passée par Lyon Capitale, journaliste à Libération et co-fondatrice du site d’information Les Jours, Alice Géraud vient de livrer un important livre de non-fiction – cette “discipline” si prisée dans les pays anglo-saxons, moins en vue ici, mais que Quais du Polar tente de mettre en lumière lors de cette édition. Dans Sambre – Radioscopie d’un fait divers, elle relate l’enquête, invraisemblablement mal ficelée, ayant conduit à l’arrestation de Dino Scala (qui aurait pu ne jamais avoir lieu), un homme qui entre 1998 et 2018 a commis pas moins d’une cinquantaine d’agressions sexuelles et de viols.

La journaliste revient aussi et surtout sur la manière dont ont été traitées les victimes et la manière dont elles l’ont vécu. Ce qui met au jour un système diablement défaillant sur la manière d’entendre les victimes de ce genre de crimes (et plus précisément les femmes).

Elle appartient au collectif Toute ressemblance qui travaille sur la narration du réel. Elle interviendra notamment lors des événements suivants : “Violences faites aux femmes : le polar balance ses porcs”, “La voix longtemps ignorée des femmes” et “Document, non-fiction ou ‘true crime’ : un processus créatif”.

/// K. M.

Sambre – Radioscopie d’un fait divers – Alice Géraud, éditions JC Lattès, 400 p., 21,50 €


David Lagercrantz, l’héritage de Millenium

Rejeton d’une dynastie d’intellectuels et artistes suédois, David Lagercrantz est un peu le goldenboy des lettres et du journalisme en Suède. Longtemps journaliste criminel et biographe à succès, c’est à lui que le grand Zlatan Ibrahimović a confié la rédaction de sa biographie Moi, Zlatan (succès éditorial sans précédent). À lui aussi, également auteur de romans policiers, qu’est confiée la suite de la série à succès Millenium après le décès de Stieg Larsson. Ce qui fait immédiatement exploser sa notoriété dans le monde entier. À Quais du Polar, il viendra évoquer les sujets suivants, en tant qu’auteur de polar mais aussi en tant que journaliste : “Raisons d’État et état du monde : polar et géopolitique”, “Suspens !” et “Noir de taule : écrire la prison”.

/// K. M.

Obscuritas (Saga Millenium) – David Lagercrantz, éditions Harper Collins, 480 p., 21,90 €

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