Quais du polar : les auteurs à Lyon, d'Abbott à Leon

Ils viennent débattre, présenter des films et bien sûr signer leurs livres à Lyon ce week-end. Les auteurs qu'il ne faut pas manquer sur les Quais du polar 2013. Deuxième train : Jeff Abbott, John Burdett et Donna Leon.

Donna Leon, le polar en gondole

On ne sait si la mesure est efficace, mais Donna Leon, dont les romans (écrits en anglais, elle est native du New Jersey) sont traduits dans une vingtaine de langues avec un succès considérable, refuse obstinément qu’ils le soient en italien. Afin de protéger son anonymat à Venise, ville où elle réside toujours, plus de trente ans après son installation. Il faut dire que la Cité des Doges qu’elle met en scène n’est guère épargnée dans la série d’enquêtes où son héros, le commissaire Brunetti, démêle des affaires criminelles d’une redoutable complexité. Derrière le somptueux décor, elle dévoile en effet les ententes peu glorieuses – mais basées sur des intérêts bien compris – entre mafia, pouvoir politique, pouvoir judiciaire et même les plus hautes instances de la police, pour lesquelles œuvre le bougon fonctionnaire. Brunetti doit donc affronter à la fois les coupables des meurtres crapuleux qui requièrent sa sagacité, mais aussi éviter les pièges que lui tendent ceux, toujours situés en haut de la hiérarchie, qui veulent les protéger. La vision politique donne une profondeur de champ à son art du suspense et des descriptions vénitiennes. On en trouvera une nouvelle démonstration dans son dernier opus, Brunetti et le mauvais augure (éd. Calmann-Lévy). Dans une atmosphère caniculaire, le commissaire qui s’efforce de démasquer un charlatan voit son enquête bouleversée par le meurtre particulièrement horrible d’un greffier de justice. À son plus grand regret, il doit renoncer à ses vacances tant convoitées…

John Burdett, face aux rapaces

On pourrait relever quelques similitudes entre John Burdett et Donna Leon. Notamment l’ancrage de leurs ouvrages dans la région où ils ont émigré et un héros principal qui revient à chaque nouvel opus. Pour Burdett, l’inspecteur qui mène les enquêtes a un nom qui ressemble à un éternuement de chameau – Sonchaï Jitpleecheep – et son principal terrain d’investigation se situe à Bangkok, où il est rattaché à la police thaïe. Il est le fils d’une prostituée thaïe et d’un officier américain qu’il n’a jamais connu. Amateur de l’excellente herbe locale, il nous fait partager ses méditations bouddhistes et ses réflexions sur le fossé culturel entre l’Asie et l’Occident. Dans ses investigations, qui portent sur l’industrie du sexe et des trafics divers et variés, il tente de rester fidèle à une éthique inflexible dans un monde où la corruption règne sans limite. Le Pic du vautour (Presses de la Cité), dernier roman en date de Burdett, le met aux prises avec un puissant réseau de trafic d’organes. D’autant plus difficile à démanteler qu’il semble dirigé par deux sœurs jumelles dont le charme ne le laisse pas indifférent. Du moins jusqu’à ce qu’il découvre leur cruauté sans limite et leur absence totale de scrupules. Notamment lorsque trois cadavres sont retrouvés dans un temple à Phuket, privés de la plupart de leurs organes, et qu’il ne tarde pas à comprendre que les infernales jumelles ne sont pas étrangères à ce crime. Qui en masque sans doute bien d’autres. Le dénouement, dans une villa située sur le pic du Vautour, au-dessus de la baie de Hong-Kong, est particulièrement haletant.

Un bon shoot d’adrénaline avec Jeff Abbott

Dans la catégorie polar ultraviolent, Jeff Abbott s’impose comme l’un des maîtres actuels. Portés par un rythme à couper le souffle, ses romans entretiennent un suspense qui les rend impossibles à lâcher une fois commencés. Il faut dire que, même s’il n’a pas encore atteint la cinquantaine, Abbott jouit d’une solide expérience puisqu’il a commencé à raconter des enquêtes dès l’âge de 10 ans – ce qui lui valut les encouragements de sa prof de maths, qui avait confisqué ses carnets. On suppute qu’Adrenaline (J’ai Lu), le dernier de ses ouvrages, jouit d’une intrigue autrement plus complexe que celle de ses premiers balbutiements. Le livre décrit une sorte de super agent secret rattaché à la CIA, qui voit sa femme disparaître juste après l’avoir prévenu que l’immeuble où il travaille s’apprête à exploser. Il se lance à sa recherche, déjouant les plus infernaux des complots, grâce à ses prouesses physiques mais aussi à sa science des nouvelles technologies. Il affronte la captivité et la torture avec une détermination sans faille. Les chapitres sont courts, l’action fait penser à une sorte de jeu vidéo speedé, la sophistication et la connaissance des grands enjeux stratégiques actuels en plus.

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