De la liturgie chrétienne aux ragas indiens, il y a tout de même un fossé… Spécialistes des grands écarts dialectiques et des programmes confrontant la musique baroque à des répertoires de tradition orale ou au folklore de contrées parfois lointaines, Franck-Emmanuel Comte et son Concert de l’Hostel-Dieu franchissent ici un cap en mettant en miroir les sublimes Leçons de ténèbres de François Couperin et trois ragas indiens mobilisant ici un duo de flûtes bansuris (spécimens de type traversière, en bois et à la sonorité d’une douceur sans égale).
Le bénéfice de l’intrépidité
Et pourquoi pas ! Même si le raisonnement somme toute hardi rapprochant ces deux mondes fera frémir les plus cartésiens, avouons que le menu a quelque chose d’alléchant... Rien que le fait d’imaginer les mélismes des deux voix de dessus dans la 3e Leçon de ténèbres d’un Couperin, redoublant de sensualité dans une écriture généreuse en frottements et dissonances, donner la réplique à ces petits bijoux d’improvisation modale, à la fois méditatifs et poétiques, a de quoi mettre l’eau à la bouche.
Offrons pour l’occasion à cette leste initiative le bénéfice de l’intrépidité car, si l’entreprise n’a rien de canonique, Molière en son temps n’a-t-il pas lui-même convoqué le Grand Mamamouchi à la cour du Roi-Soleil, lequel se délectait de turqueries en tout genre ? L’attrait pour l’Orient ne date pas d’hier et, au siècle de Louis XIV, il y avait un temps pour les Leçons de ténèbres éclairées à la bougie et un autre pour les tapis, le café et toutes sortes de fantasmes importés du Levant...