La Maison de la danse nous invite à réfléchir sur ce qu’apportent les danseuses et les danseurs séniors à la danse alors qu’ils sont invisibilisés sur la scène chorégraphique.
Malgré tous ses discours sur l’inclusion, la scène chorégraphique française offre très peu d’opportunités à des interprètes séniors d’exister dans les spectacles alors que leurs corps et leurs gestuelles témoignent d’expériences riches, propices à des émotions et des sensibilités différentes des jeunes générations. “Dans la jeunesse, la virtuosité est souvent extériorisée, avec l’âge, cette virtuosité ne diminue pas mais s’intériorise. C’est ce passage, d’une vibration à fleur de peau à une vibrante intériorité qui m’a, de nombreuses fois, frappée. Avec l’âge, les gestes ont moins besoin d’être jetés, telle une poudre, aux yeux du public. Ils se condensent, emplissant le corps de l’artiste, et n’ont plus besoin de preuves gesticulaires pour apparaître. C’est cette quintessence de mouvements qui fait vibrer à son tour le public.” Ces mots sont ceux de Cécile Proust (danseuse, chorégraphe et chercheuse) qui interroge la fabrique des corps, des danses, des genres, des âges, des images et des regards et qui développe des projets questionnant l’invisibilité des artistes séniors dans l’art chorégraphique.
Accompagné d’Anne Décoret-Ahiha (autrice et anthropologue de la danse) et de Jacques Hœpffner (réalisateur), elle collabore ici avec la Maison de la danse pour un programme intitulé “Ce que l’âge apporte à la danse” se déclinant en plusieurs propositions. On verra notamment un spectacle sous forme de chorégraphie documentaire où, accompagnée sur scène de deux personnalités – Elisabeth Schwartz (qui œuvre à la transmission des danses d’Isadora Duncan) et Elsa Wolliaston (grande dame de la danse africaine contemporaine) –, elle dévoile par de savoureux échanges leurs réflexions sur la “séniorité” et leur danse, évoquant par projections d’images le parcours d’autres artistes. À découvrir également une installation de portraits de chorégraphes filmés sur leur lieu de travail et dans des espaces de nature : Germaine Acogny, Malou Airaudo, Jean Rochereau, Thierry Thieû Niang, Susan Buirge, La Tati flamenco… Tous ont marqué l’histoire de la danse avec des styles différents, tous résistent à l’effacement et dansent encore après 60, 70 ou 80 ans.
Deux spectacles qui mettent à l’honneur des femmes/artistes séniors !
Le 19 octobre, une conversation art et science aura lieu avec le neurologue Emmanuel Flamand-Roze, spécialiste des maladies du mouvement à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, suivie d’un bal participatif avec la chorégraphe Dominique Rebaud, sans oublier les ateliers de pratiques dansées ouverts à tous les âges et tous les corps.
Enfin, deux spectacles mettent les femmes/artistes séniors à l’honneur:Figuring Age, un solo de la danseuse hongroise Boglárka Börcsök qui, entre installation plastique et performance, rend hommage à Irén, Éva et Ágnes, trois pionnières de la danse moderne hongroise dans les années 1930. Disparues aujourd’hui, elle les a rencontrées en 2014 alors qu’elles avaient plus de 90 ans. De manière très émouvante, la danseuse leur redonne vie après avoir intégré, dans son propre corps, leurs mouvements lorsqu’elles dansaient jeunes mais aussi lorsqu’en vieillissant, elles étaient filmées par le réalisateur Andreas Bolm.
Avec Majorettes, Mickaël Phelippeau met en scène douze femmes du groupe mythique de majorettes montpelliéraines, les Major’s Girls, créé en 1964, avec aujourd’hui des femmes d’une moyenne d’âge de 60 ans (les plus jeunes en ont 40) sous la baguette de Josy (74 ans). Développant depuis plusieurs années une démarche artistique basée sur la rencontre et le portrait, le chorégraphe nous propose de découvrir des majorettes mais aussi des femmes qui ont chacune leurs histoires intimes, unies dans une aventure faite d’amitiés et de passion. Des femmes pleines de désirs qui jamais ne renonceront à danser, démontrant un art rempli d’une multitude de chorégraphies et de musiques qu’elles exécutent avec joie et dextérité !
Ce que l’âge apporte à la danse – Du 15 au 19 octobre à la Maison de la danse (et autres lieux)
Figuring Age - Boglárka Börcsök et Andreas Bolm – Du 15 au 19 octobre au théâtre du Ciel (Lyon 8e)
Majorettes -Mickaël Phelippeau – Les 18 et 19 octobre à la Maison de la danse
Programme complet : maisondeladanse.com