Plus encore que son ainée, la “vieille chanson française”, celle des Sardou et des “relou”, la “nouvelle chanson française”, se targue de poser un regard acéré sur la société, les virées à Ikea, les voisins du dessus ou l’influence des soirées entre amis sur la livraison de pizza à domicile.
Une caractéristique régulièrement raillée par les Guignols et quantités d’imitateurs. Mais ce monde là ne va pas chercher bien loin, si l’on peut dire, il est même petitement circonscrit. Renan Luce l’avoue avec son dernier album : il a rejoint Le Clan des Miros, des myopes, de ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Ou de leur nombril, si leur nez est déjà un peu trop long. “Je suis du clan des miros / Il y a sur nos carreaux, un voile de buée, une sorte de nuée / Peut-être parce que dehors, m’effroi notre décor / Dedans il fait plus chaud” cingle le Luce, comme poussant toujours plus loin le bouchon du “On s’en fout on n’y va pas” de Bénabar : ici, on ne va plus nulle part, on reste en dedans de soi. Confirmation sur le dernier titre de ce même album, Femme à lunettes, une histoire de fille complètement miro, “Femme à lunettes, reste près d’ici, pour toi j’fais de la presbytie”, dit-il en rimes astigmates. À force de se regarder dans le blanc des yeux, on voit flou. Mi-observatoire un peu flou de la société par le petit bout de la lorgnette, mi-autoportrait pas très focus, le disque semble peiner à se situer, avançant dans le brouillard. Et invente la “nouvelle chanson française” 2.0, qui navigue à vue, voit son petit monde à travers des culs de bouteille, comme pour s’en protéger, de loin, à l’abri derrière les bésicles.
Renan Luce.
Le 27 avril à la Halle Tony Garnier.
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