Proposé par la Maison de la danse, le dispositif Souffleurs d’Images permet aux personnes aveugles et malvoyantes de voir un spectacle avec une personne qui leur souffle la danse à l’oreille.
Dans le cadre de ses actions solidaires, la Maison de la danse propose un nouveau dispositif, créé par l’association Les Souffleurs d’Images, qui permet à une personne aveugle ou malvoyante de voir un spectacle de danse, accompagnée par une souffleuse (ou un souffleur) lui murmurant à l’oreille l’intégralité de la représentation.
L’approche, innovante, se démarque de l’audiodescription. “La différence, nous dit Ghislaine Hamid Le Sergent de la Maison de la danse, c’est que le texte n’est pas enregistré, il n’est jamais le même car aucune souffleuse ne voit le spectacle de la même manière et un dialogue s’instaure entre les deux. Pour en bénéficier, il suffit de nous appeler et de demander un accompagnement qui est gratuit. La Biennale de la danse fera d’ailleurs la même chose.”
Nous avons participé à une représentation de Toulouse-Lautrec, les yeux bandés, et rencontré Véronique, qui était infirmière de bloc, et Évelyne, institutrice, les deux ont perdu la vue à cause d’une maladie dégénérative qui leur laisse encore un petit peu de vision. Nos souffleuses – Bronté Pouget-Lacoste, Chloé Fournerie et Kathlyne Poncet – étaient des étudiantes suivant cette formation dans le cadre d’une licence “Arts du spectacle vivant” à l’université Lyon 2.
Une expérience intense et inédite
Installées au premier rang, au plus près des danseurs et des vibrations qui traversaient leurs corps, elles ont vécu une expérience intense : “Je voyais à travers la vision de Chloé, nous dit Véronique, je lui demandais des précisions, elle décrivait les expressions du visage. Elle ne parlait pas tout le temps, se laissait porter par la danse avec moi car le ressenti est important. L’expérience demande une forte concentration mais elle permet de nous sentir en vie.”
Pour Chloé, il s’agissait de mettre le ton dans le mouvement, le rythme, de sortir de la description pour laisser venir les sensations.
“Il m’est aussi arrivé de perdre le personnage de Toulouse- Lautrec parmi les trente-deux interprètes, dit-elle, et Véronique s’est retrouvée perdue en même temps.”
"On entendait le vent, les souffles"
Évelyne voulait surtout créer son propre spectacle. “J’ai laissé parler Kathlyne, l’important était de me laisser aller à la danse, je n’avais pas forcément envie de tout savoir. Les sensations étaient primordiales. L’entrée des danseurs sur scène était incroyable. Ils sont passés près de nous, on entendait le vent, les souffles, les tissus qui se croisent. Le son de l’accordéoniste semblait être la respiration même de Toulouse-Lautrec.”
À certains moments, Kathlyne cherchait comment dire : “Je ressentais de l’angoisse avec certaines scènes et je ne savais comment lui dire. Parfois, on riait en même temps. Le plus émouvant, c’est lorsque après un moment de pause, elle se rapprochait de moi pour m’écouter.”
Notre expérience fut aussi intense. Bronté, notre souffleuse, a ouvert la boîte noire à l’intérieur de laquelle on a pu recréer l’histoire, mêlant nos images aux siennes, écoutant sa voix sensuelle réceptive aux corps dansants, attentive à transmettre au mieux ses émotions pour nous donner à voir…