Cinema
© tim douet

Rhône-Alpes peut-elle encore soutenir le cinéma français ?

C’est une bien mauvaise nouvelle pour Rhône-Alpes Cinéma. Une décision du tribunal administratif vient remettre en cause le bien-fondé des aides régionales qui lui sont versées chaque année. Au-delà, ce sont toutes les aides des collectivités au cinéma français qui sont menacées.

2 millions d'euros versés annuellement à une société anonyme productrice de cinéma, à la seule condition que les films soutenus soient tournés complètement ou en partie en Rhône-Alpes. Ce sont les termes de la convention qui lie depuis 2011 la région Rhône-Alpes à la structure de droit privé Rhône-Alpes Cinéma, et ce théoriquement jusqu'en 2015. Mais une décision de justice vient de mettre à mal ce dispositif.

Le tribunal administratif de Lyon, saisi par le conseiller régional écologiste Etienne Tête, a en effet rendu un jugement le 7 mai dernier qui annule la convention et la signature par le président du conseil régional de celle-ci. Le motif invoqué est celui du non-respect des termes du traité de fonctionnement de l'Union européenne et, par suite, du Code des collectivités territoriales.

Entraves à la concurrence au sens de l’UE

Ces textes prévoient que, pour toute aide apportée au cinéma français, celle-ci soit validée par l'UE. Or le conseil régional n'est pas capable, argumente Etienne Tête, repris par le tribunal, d'apporter le preuve que son système d'aide à la production cinématographique a bien été soumis et validé par l'Union européenne. Seules les aides du CNC l'ont été – globalement – en 2006, mais pas les aides régionales. Assimilées à des aides d'Etat comme celles du CNC, elles doivent pourtant l'être car, à défaut, elles sont considérées comme des entraves à la libre concurrence et, en ce sens, elles sont interdites. À moins qu'elles ne relèvent de l'exception culturelle française mais encore faut-il en décider, et pour ce faire, les déclarer.

À partir de là, la Région sera donc sommée de soumettre son dispositif aux instances décisionnelles européennes. Une procédure qui risque de prendre du temps et, d'ici là, Jean-Jack Queyranne craint que "la pérennité de Rhône-Alpes Cinéma dans son statut de coproducteur" ne soit mise à mal. Cette décision peut aussi faire jurisprudence et "mettre en péril tout le système d’aide des régions au cinéma français", affirme le président de Rhône-Alpes.

“L’obsession procédurière” d’Etienne Tête

Conscient du problème, Jean-Jack Queyranne dit avoir pourtant "maintes fois mis en garde Étienne Tête et les élus du groupe EELV de la Région contre les menaces que faisait planer un recours, compte tenu des incertitudes du droit européen".

Quant aux motivations qui ont pu pousser un conseiller écologiste qui "combat le libre-échange et défend l’exception culturelle" à faire valoir "des dispositions européennes qui limitent les aides d’État aux entreprises pour mettre en péril une structure culturelle dont on s’accorde à souligner la réussite", Jean-Jack Queyranne s'interroge. "L'obsession procédurière l’a emporté", regrette le président du conseil régional.

Etienne Tête a toujours contesté l'absence de validation par l'assemblée régionale de la convention passée avec Rhône-Alpes Cinéma. Seul le président la signait, outrepassant ses pouvoirs, estimait le conseiller. Une modification de la convention avait calmé les esprits en 2011, mais pas réglé le problème sur le fond. Cette fois, il semble qu'un simple vote en assemblée plénière ne suffira pas.

"La région, en relation avec la direction du CNC, étudie le moyen de sauvegarder un modèle économique de financement du cinéma qui a fait ses preuves", précise-t-elle dans un communiqué. Une note un peu sombre pour le cinéma français à la veille de l'ouverture du festival de Cannes, où deux films coproduits par Rhône-Alpes Cinéma seront présentés.

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