Très grosse ouverture de saison à l’Opéra de Lyon : Daniele Rustioni s’empare de Tannhäuser de Richard Wagner, fresque romantique monumentale comme le compositeur allemand en a le talent.
Dès l’Ouverture instrumentale, à elle seule aussi longue qu’une Symphonie de jeunesse de Haydn, le décor est planté : le discours orchestral sera épais, le romantisme échevelé.
La Bacchanale qui lui succède (toujours instrumentale) laisse déjà apparaître par ses contrastes le fil conducteur de l’œuvre ou la dualité et le déchirement intérieur : choisir “entre Dieu et Satan”, le désir et la liberté ou la morale et la pureté.
Comme souvent chez Wagner – et chez les romantiques –, l’action prend place dans un Moyen Âge mythifié où les espaces naturels (forêts, montagnes, grottes) occupent une place importante.
Des délices de l’amour et du sexe
Tannhäuser est un ancien minnesänger, genre de poète-chanteur courtois. Dans son Venusberg d’adoption, il vit captif – et consentant – de la déesse Vénus avec qui il a joui des délices de l’amour et du sexe. Au fil du temps, le feu s’est tari et ses aspirations se tournent vers l’amour de Dieu. Certain que son salut viendra de la Vierge Marie, il quitte les montagnes pour rejoindre sa campagne d’origine.
Il y retrouve ses amis minnesänger qui accueillent avec joie le retour du jeune chanteur, compagnon apprécié de leurs joutes lyriques d’antan. C’est en évoquant son ancien amour Élisabeth, nièce du landgrave, qu’ils le convainquent de revenir parmi eux.
Lors d’un concours de chant organisé au château de la Wartburg en présence d’Élisabeth, toujours éprise de lui, il vante – en opposition aux autres concurrents louant la foi et les sentiments “purs” – l’amour sensuel et révèle la raison de son absence et sa découverte de la passion auprès de Vénus. À ces mots, jugés blasphématoires, pour l’assistance, il est chassé et prié de partir à Rome, implorer son pardon au pape lui-même. Il n’en reviendra pas moins sujet au déchirement sans qu’une issue autre que tragique ne puisse advenir.
Retour vers le futur
La mise en scène de cette nouvelle production a été confiée à David Hermann, connu pour son inventivité et son désir de faire résonner les œuvres en écho avec le monde contemporain. Il choisit ici d’inscrire l’action dans un futur lointain post-catastrophe aux contours gazeux. Transformant ainsi la légende médiévale en récit de science-fiction, il traduit la dualité entre les deux mondes qui s’opposent dans l’opéra en en transposant les termes : technologique, créatif et libertin pour le monde de Vénus, figé dans le passé, les valeurs religieuses et guerrières pour celui de la Wartburg. Errant entre ces deux tendances, Tannhäuser incarne à lui seul les hésitations de la bourgeoisie contemporaine.
Côté interprétation, inutile de dire qu’un Wagner est toujours un tour de force pour le chef, l’orchestre et la distribution. Un “gros morceau” donc, que s’apprête à défendre Daniele Rustioni, le maestro maison de l’Opéra de Lyon.
Tannhäuser – Du 11 au 30 octobre, à l’opéra de Lyon, Lyon 1er