Alto de Bomba, réhabilitation, jardin partagé, Outros Bairros, 2020 @ Angelo Lopes

Saint-Étienne : une Biennale du design engagée et écologique

Intitulée Bifurcations, la 12e Biennale internationale Design Saint-Étienne résonne comme un appel au changement, à un futur plus juste et plus respirable.

Après son annulation en 2021, la Biennale internationale Design Saint-Étienne revient dans un format XXL puisqu’elle dure, non pas un mois mais quatre, jusqu’au 31 juillet.

Conçue par la Cité du design et l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne (Esadse), elle témoigne d’une évolution du métier portée par la volonté qu’ont les designers de vouloir “changer la société” alors que la planète est plongée dans l’urgence climatique et l’accélération à outrance de sa modernisation, affectée par la pandémie qui a fait exploser les inégalités sociales et le désir d’une autre vie.

Le thème Bifurcations évoque cette idée d’abandonner une direction pour en explorer d’autres, ouvrant ainsi le champ à la critique, à ce qui n’est plus acceptable, aux méthodes utilisées par les designers pour projeter et inventer.

Pelle-balayette, objets et restes issus de l’expérimentation Maison soustraire © Justin Chiron

Le design ne met plus l’objet au centre de ses préoccupations mais questionne d’abord l’humain, ses besoins, pour s’emparer d’une cause collective, créer une culture commune, du lien entre les gens. Composée au total de neuf expositions installées sur 4 000 m2, elle met à l’honneur le continent africain qui est au cœur d’enjeux politiques et écologiques.


Neuf expositions sur les enjeux du design pour le futur de l’homme et la planète


L’habitat étant un lieu commun à tous, la Biennale s’ouvre sur At home, un panorama de nos espaces domestiques anciens et actuels que la pandémie a transformés en bureau, salle de sport, école… avec une réinvention radicale qui questionne la notion du chez soi et le sens de se loger, prenant en compte les inégalités sociales révélées par le confinement.

Autofiction est une biographie de l’objet automobile sous forme de petits récits, pointant les contradictions entre un monde qui prône la mobilité et ses conséquences sociales et environnementales. Les bifurcations vont de la voiture économe à celle autonome, exacerbant la difficulté à trouver la bonne adéquation entre technologies de pointe, respect de l’environnement et design.

Le Monde, sinon rien affiche l’intérêt de la collaboration entre designers, ingénieurs, scientifiques et étudiants, notamment avec l’émouvant projet Open Dialysis de Chetan Kumar (doctorant au Learning Planet Institute de Paris), qui a inventé et fabriqué une machine à dialyse péritonéale pour les insuffisants rénaux, accessible aux pays pauvres (moins de 1 000 euros pour un coût moyen habituel de 10 000 à 15 000 euros) et pouvant se brancher sur une batterie de voiture.

Dans FABécole, les étudiants de l’Esadse dévoilent les prototypes de nouveaux produits réalisés avec des entreprises de la région stéphanoise, représentatifs de leur savoir-faire (céramique, textile, plasturgie, peinture…).

Le couple : Streetwear & maille upcycling par La Fameuse. Exposition Dépliages

Dépliages est une sélection d’objets et de vêtements de la mode et du sport créés par des entreprises ayant changé leur manière de les concevoir et de les produire, réfléchissant sur comment s’habiller de façon durable, créer de nouvelles esthétiques à partir de vêtements recyclés, sur les matériaux “écolo-nomiques” à choisir.

À l’intérieur de la production propose des ateliers/débats, des investigations historiques et ethnographiques autour de la production croissante des objets, la manière de les détourner, les réinventer ou de ne plus les produire.


Maison soustraire : une expérience passionnante !


Un étrange espace Du sensoriel au biomimétisme nous invite à réfléchir sur la disparition de nos ressources due à notre mode de consommation, creusant ainsi les inégalités sociales dans le monde.

Il démontre comment de nouvelles approches sensorielles ou de fabrication basées sur le vivant pourraient nous permettre d’imiter une nature capable de se renouveler à l’infini.

Singulier Plurielles révèle les pratiques de design déployées, en collaboration avec les habitants, dans les territoires urbains et ruraux de l’Afrique qui accompagnent l’amélioration de leur cadre de vie dans de nombreux domaines : la santé, les pratiques agricoles et forestières, les moyens de mobilité mais aussi les modes de fabrication et de transmission des savoirs.

Enfin, l’espace le plus impressionnant, Maison soustraire, est investi par la designer Mathilde Pellé qui a créé de nouveaux objets en soustrayant de la matière à ceux déjà existants. Elle a passé huit semaines à retirer deux tiers de la matière des 112 objets de son habitat, à défaire un modèle admis pour en inventer un autre, expérimentant aussi le rapport du corps aux objets transformés, aux nouveaux rythmes qu’ils donnent aux gestes dans leur utilisation quotidienne. Passionnant !


12e Biennale internationale Design Saint-Étienne. Jusqu’au 31 juillet – Cité du design à Saint-Étienne. Programme complet : biennale-design.com


 

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