Black Label © Arnaud Bertereau

Sélection : nos Nuits théâtrales à Fourvière

Même si les concerts font davantage tourner la billetterie, le festival des Nuits de Fourvière est bien pluridisciplinaire et le théâtre, tout comme le cirque et l’opéra, y conserve une place de choix. Notre sélection en témoigne.

Emmanuelle Durand et Vincent Anglade, qui forment le duo ayant succédé à Dominique Delorme à la tête des Nuits de Fourvière, ont un profil très “musical” (contrairement à Dominique Delorme qui était administrateur du TNP avant de prendre les commandes des Nuits).

Emmanuelle Durand a été secrétaire générale de l’Auditorium de Lyon. Et elle a auparavant travaillé à la Philharmonie de Paris, entre 2011 et 2015. Où a également officié Vincent Anglade, puisqu’il y était responsable des musiques actuelles et des projets pluridisciplinaires. Il est donc logique que leur première programmation soit davantage tournée vers la musique, sous toutes ses formes et en hybridation avec d’autres arts.

Black Label pour black rebelle !

Metteur en scène, scénographe, réalisateur et scénariste français, né en 1978, David Bobbée s’est fait connaître pour ses spectacles iconoclastes, dont une version décapante de Lucrèce Borgia, avec Béatrice Dalle dans le rôle-titre (créé en 2014 aux Fêtes nocturnes de Grignan).

Ce qui ne l’a pas empêché, voire l’a peut-être aidé, à être nommé à la tête du théâtre du Nord de Lille, en 2021. Où il a invité l’écrivaine Virginie Despentes à le seconder.

Politiquement engagé, vous l’aurez compris, il se revendique lui-même “décolonialiste”. En 2015, au journal Le Monde, il a d’ailleurs déclaré avoir déjà refusé de solides projets conçus, mis en scène et interprétés seulement par des Blancs. “Je ne programme pas de spectacles racistes”, avait-il martelé… Ce ne sera certainement pas le cas du spectacle qu’il mettra en scène aux Nuits de Fourvière, Black Label, avec le formidable comédien et rappeur JoeyStarr.

Cette création littéraire, musicale, chorégraphique et transdisciplinaire est inspirée par de grands écrits de la poésie antiraciste.

Elle emprunte son titre au Black-Label de Léon-Gontran Damas, puissant poème de la négritude publié en 1956.

Avec la contrebassiste et chanteuse jazz Sélène Saint-Aimé, le chanteur et danseur Nicolas Moumbounou et le chansigneur [interprète artistique de la langue des signes, NdlR] Jules Turlet, Black Label retrace l’histoire de ceux qui luttent pour l’égalité réelle. Une plongée au cœur de l’antiracisme d’hier et d’aujourd’hui, ainsi qu’une relecture de l’histoire portée par la voix et la présence toujours impressionnante de JoeyStarr.

Black Label – Le 2 juin à l’odéon de Fourvière

Hamlet © Simon Gosselin

Une femme nommée Hamlet…

Autre création impatiemment attendue par les amateurs de théâtre, la version de Hamlet signée par la cinéaste et metteuse en scène brésilienne Christiane Jatahy.

Une artiste qui est bien connue à Lyon : la fin de l’année 2021 nous avait permis de découvrir, au théâtre de la Croix-Rousse, Julia, une version décapante, hypersexualisée, inspirée de la pièce d’August Strindberg, Mademoiselle Julie. Mais également Entre chien et loup, conçu à partir du film Dogville de Lars von Trier, programmé au TNP moins d’un mois plus tard, qui mettait en exergue un jeu trouble entre réalité et fiction.

Deux ans plus tard, en 2023, toujours au TNP, Depois do silêncio, sur les petits agriculteurs descendants d’esclaves en Amazonie, avait été diversement apprécié.

Point commun entre ces trois spectacles : le mélange entre l’art théâtral et l’art cinématographique que maîtrise de façon impressionnante Christiane Jatahy. Ce qui lui a d’ailleurs permis, en 2022, de recevoir le lion d’or de la Biennale de Venise pour l’ensemble de son œuvre. Dans le Hamlet qu’elle propose aux Nuits de Fourvière (programmé dans la grande salle du TNP), on retrouvera bien entendu ce jeu entre scène et écrans qu’elle sait agencer.

Mais il y aura une autre surprise : Hamlet sera interprété par la comédienne Clotilde Hesme (souvenez-vous, dans le film Chocolat – sorti en 2016 –, elle tenait le premier rôle féminin aux côtés d’Omar Sy).

Certes, depuis sa création, Hamlet, le personnage de Shakespeare, a déjà été joué par des comédiennes. Mais c’est autre chose que tente la metteuse en scène brésilienne : non pas une actrice jouant un rôle masculin mais une femme qui est Hamlet, traversant les lignes de genre sans préjugés. Christiane Jatahy reste fidèle au texte, tout en l’inscrivant dans un contexte contemporain et en interrogeant la violence du pouvoir et du système patriarcal.

Hamlet – Du 11 au 13 juin au TNP

Un grand spectacle

La compagnie 14:20 est à l’origine du mouvement de “magie nouvelle”. Un art basé sur les apparitions, disparitions et même lévitations qui se produisent sur scène. Dans leur dernière création, On m’a trouvée grandie, Valentine Losseau et Raphaël Navarro se sont inspirés d’un pan sombre de l’histoire de la médecine : au début du XXe siècle, des femmes jugées hystériques étaient internées et étudiées à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. L’une d’entre elles, Madeleine, vécut ainsi sur la pointe des pieds, elle disait traverser des épisodes de lévitation. On m’a trouvée grandie met en lumière ces femmes, dans une société où leur corps est sous tutelle masculine.
Leïla Ka, figure montante de la danse contemporaine, signe la chorégraphie et l’interprétation d’un des rôles, sur un plateau où se déploient des inventions à la fois spectaculaires et picturales.

On m’a trouvée grandie – Du 6 au 14 juin aux Célestins

En une nuit - Notes pour un spectacle © Elsa Séguier

En une nuit - Notes pour un spectacle

L’année dernière, Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette et Eva Zingaro-Meyer avaient obtenu les prix du Public et du Jury de la 15e édition du festival Impatience (un événement dédié à la création contemporaine).

Pour l’écriture, la mise en scène et l’interprétation de la pièce En une nuit - Notes pour un spectacle,qui nous invite dans un décor reconstituant la plage où Pier Paolo Pasolini fut assassiné une nuit de novembre 1975 (la plage d’Ostie, haut lieu de drague homosexuelle). Quatre artistes s’interrogent sur la façon de raconter cette histoire.

La vie du poète et réalisateur italien, son meurtre, ses combats se déploient en une multitude de récits.

Reconstitutions, interrogations, confrontations et hypothèses agissent comme une tentative d’épuisement d’un lieu et d’un sujet. La représentation devient un laboratoire où s’invente un théâtre différent, à la fois documentaire et fantasque, engagé et onirique.

En une nuit - Notes pour un spectacle –Les 27 et 28 juin aux Subs

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