Sherlock Holmes : très cher Watson

Adepte des films de castagne, Guy Ritchie transforme le mythique Sherlock Holmes en héros de blockbuster tourmenté, bagarreur et… crypto-gay. Buddy movie classique et faux polar un peu lourd c’est au plan de la comédie que convainc ce Sherlock Holmes new look.

Voir le réalisateur Guy Ritchie (Snatch, Arnaques, crimes et botanique) s’attaquer au mythe Holmes pouvait faire craindre le pire aux spécialistes holmésiens de tout poil. De fait beaucoup en ont sans doute avalé leur pipe. Car le Holmes incarné avec jubilation par Robert Downey Jr., à mi-chemin de ses compositions de Chaplin et d’Iron Man, n’est pas vraiment raccord avec ce qu’on connaît du locataire du 221 b rue Baker Street. Facétieux, bagarreur et grande gueule, ce Holmes-ci est a priori bien loin de l’image d’Epinal de l’enquêteur à double visière. Mais c’est oublier que le mythe, souvent pastiché, avait déjà été écorné. Notamment dans Elémentaire mon cher Lock… Holmes avec Michael Caine, où Holmes se révélait un parfait crétin drivé par Watson. Et finalement Ritchie est peut-être plus fidèle qu’il n’y paraît : car son détective dandy un peu en vrac, adepte du bartitsu (ou baritsu), équivalent anglais de la Savate, est en réalité plus proche du Holmes de Conan Doyle que de l’archétype fabriqué par son propre mythe (la pipe, la casquette, « élémentaire mon cher Watson »).

En quelque sorte, le Holmes de Guy Ritchie insiste sur le côté « super héros avant l’heure » du super détective. Un super héros comme toujours tourmenté dont le goût pour le déguisement cache une personnalité changeante. A l’image d’un Robert Downey Jr. dont on jurerait qu’il choisit ses films pour tisser de subtils parallèles entre son jeu et son parcours personnel semé d’embûches et de frasques. D’où ce Holmes que l’inaction déprime, en proie au « syndrome de Diogène », tirant des coups de feu dans les murs de sa chambre ou expérimentant des drogues sur son chien. Car c’est dans l’action qu’Holmes/Downey est génial et jubilatoire. Le reste du temps, l’ « artiste » est une épave amputée de sa raison d’être : jouer (fut-ce au détective).

Holmes cyclothymique

Mais si Holmes est cyclothymique, c’est aussi parce qu’il a le cœur brisé. Par… Watson. C’est l’idée du film, déjà entrevue dans une adaptation holmésienne de Billy Wilder : fonder l’un de ses ressorts comiques sur la relation crypto-homosexuelle entre Holmes et Watson (Jude Law, so british, tout en flegme et loin du traditionnel faire-valoir bonhomme et vieillissant). Pensez : Watson quitte la résidence commune et raccroche la loupe pour se ranger en épousant une beauté diaphane (l’irrésistible Kelly Reilly). Il n’en faut pas plus pour rendre le pauvre Holmes tout chose. Tout juste jette-t-il, de dépit, son dévolu, et encore pas tant que ça, sur la seule criminelle à s’être jouée de lui, la belle Irène Adler (Rachel McAdams).

« Buddie movie » plutôt plaisant pour ce qui est des pérégrinations de ses personnages et de la comédie pure, Sherlock Holmes échoue pourtant là où réside le cœur du mythe holmésien : la résolution d’enquête. L’intrigue principale, autour d’un Lord criminel complotant contre le Parlement à grand renfort de magie noire, appelle le décrochage (et pas seulement de mâchoire). Paresseux ou pas intéressé, Ritchie n’évite ainsi pas, entre deux climax pyrotechniques, l’écueil habituel des thrillers mal ficelés : de plombantes scènes de dialogues explicatifs rembobinant une intrigue criminelle bourrative mais sans surprise. Mais le fait que Ritchie s’intéresse si peu à l’enquête tout en laissant le champ libre à Downey Jr. et Law est sans doute ce qui rend ce film fatiguant mais sympathique. A l’image de son héros.

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