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Sombre Festen

Inceste, violence, ivrognerie, mort et désespoir sont les principaux ingrédients de L’enterrement (Festen… la suite). Cependant, au-delà de sa noirceur peu commune, ce spectacle est à la fois dérangeant et bouleversant

Au départ de L’enterrement (Festen… la suite), en ce moment à l’affiche des Célestins, il y a une belle complicité artistique entre un metteur en scène de théâtre, Daniel Benoin et un réalisateur de film, Thomas Vinterberg. L’ancien patron de la Comédie de Saint-Etienne, Daniel Benoin, avait déjà créé, en 2002, une version théâtrale du film de Vinterberg Festen, retravaillant le scénario et le traduisant en français. Elle avait été saluée comme une réussite. Y compris par Thomas Vinterberg. Aussi bien, quand il a écrit avec Mogens Rukov une suite du film pour le théâtre, il n’a eu aucune hésitation à en céder les droits à Daniel Benoin afin qu’il en signe l’adaptation et la mise en scène française.

On y retrouve les mêmes personnages dix ans après, dans une atmosphère toujours aussi intense. Mais il n’est aucun besoin d’avoir vu le film pour apprécier ce prolongement. Le père incestueux, détestable personnage principal du film -ici incarné par l’excellent François Marthouret-, dont l’enterrement est le prétexte pour une famille conflictuelle de se réunir, apparaît à l’un de ses fils qu’il a violé. Montrant ainsi dans quelle ambiance ont grandi les deux frères et leur sœur. Ils se rejoignent avec leurs épouses, le jeune fils du frère aîné, dans le grand salon de l’hôtel familial où les attend leur mère et son plus fidèle domestique qui les a vus grandir.

L’heure n’est pas au regret mais plutôt à la joie des retrouvailles, en dépit des circonstances. Certes, des vacheries s’échangent et le ton monte assez vite. Mais l’humour, même féroce, n’empêche pas l’ambiance d’être plutôt bienveillante. Au point que l’on se croirait presque devant l’une de ses comédies familiales qui abondent sur nos planches et sur nos écrans. La nouvelle épouse (Caroline Proust) du frère violé montre sa lingerie à ses belles-sœurs (Mathilda May et Mélanie Doutey). On retrace le chemin parcouru durant les dix dernières années sans se voir et l’on commence à attaquer sérieusement la vodka... Las, cette relative concorde ne va pas durer. Une panne de courant, un incident dont on ne révélera pas ici l’effroyable nature, et tout va basculer.

Les vieilles haines vont resurgir, les misérables petits tas de secrets seront mis au grand jour, la violence verbale s’accompagnera de violences physiques et le pardon cédera le pas à la vengeance. L’habileté diabolique de Vinterberg et Rukov consiste à laisser pressentir l’horreur qui va advenir tout en nous surprenant malgré tout au moment où elle éclate dans toute sa brutalité. On est à la fois bousculés et captivés par la puissance des sentiments qui s’expriment, la force des dialogues qui les montrent.

D’autant que la mise en scène de Daniel Benoin ne rajoute aucun effet ostentatoire, privilégiant l’interprétation de ce texte fascinant. Il est magnifiquement servi par le jeu des deux frères, à la fois subtil et emporté, qui règlent leurs comptes, Samuel Le Bihan et Pierre Cassignard. Ils traduisent magnifiquement l’ambiguïté des liens qui les unissent et rendent magnifiquement justice à cette pièce hors du commun.

> L’enterrement (Festen la suite), jusqu’au 16 décembre, Les Célestins Théâtre de Lyon. 4, rue Charles-Dullin. Lyon 2e. 04 72 77 40 00.

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