Grand Central Rahim Seydoux

Sorties ciné : Grand Central, l’amour à haute dose

CRITIQUE – Dans la série des “attendus au tournant” après avoir émoustillé la Croisette cette année, Grand Central, 2e long métrage de Rebecca Zlotowski, raconte l’histoire d’un jeune intérimaire d’une centrale nucléaire, touché en plein cœur du réacteur par une femme sur le point de se marier. Un film immersif et tragique assez remarquable.

Tahar Rahim dans Grand Central © Ad Vitam

Ça commence dans un train. Gary Manda (Tahar Rahim) le prend pour aller là où on embauche vite de la main-d’œuvre peu qualifiée : la centrale nucléaire de Cruas. Le salaire est bas, et les conditions de travail exposent les petits jeunes aux radiations. Peu importe, ce travail, ils en ont tous besoin. Quasi documentaire (tourné dans une centrale autrichienne et aux abords de la centrale ardéchoise), Grand Central est un film immersif.

Fusion et fission

Bien plus réussi dans son étude que le premier film de Zlotowski (Belle Épine, en 2010, déjà avec Léa Seydoux et Johan Libéreau, qui côtoyait de bien trop loin le monde de la moto et ses courses de rue pour n’être pas faussement rebelle), Grand Central suit les premiers pas de ces jeunes intérimaires soumis aux protocoles de sécurité, qu’on envoie au champ de bataille atomique (à l’origine, Zlotowski voulait d’ailleurs situer son intrigue en temps de guerre), supervisés par le vieux briscard Gilles (très bon Olivier Gourmet). Le dosimètre définit la ligne d’exposition à ne pas franchir. On flirte quotidiennement avec la dose radioactive comme on flirte avec l’amour.

Léa Seydoux et Tahar Rahim © Ad Vitam

L’amour, il naît très vite entre Karole (Léa Seydoux) et Gary. Une courte scène, magnifiquement filmée – assis côte à côte à l’arrière d’une voiture, le bras de Gary effleure la cuisse nue de Karole – suffit à exprimer le désir qui bouillonne en lui. Mais voilà, elle est avec Toni (Denis Ménochet), collègue trompe-la mort de la centrale, chargé du nettoyage du réacteur. À mesure que l’amour augmente, que les corps s’appellent et se donnent, le dosimètre s’affole. Gary le fait taire et c’est la mort qui se fait de plus en plus présente. Jamais le scénario ne relâche cette tension, jamais l’on n’oublie l’épée de Damoclès au-dessus de sa tête, la réalité d’un mal invisible qui conduira à la tragédie.

Close-up

Le magnétisme et l’empathie envers les personnages de Grand Central tient beaucoup à la réalisation de Rebecca Zlotowski, qui privilégie les cadrages serrés sur les visages et les nuques (rares sont les plans d’ensemble), évite les champs/contrechamps et opte pour un travail sur la profondeur de champ, alternant les mises au point dans un va-et-vient entre les personnages. Par ces glissements simples, la réalisatrice fabrique une forme de hantise dans l’image, comme s’il suffisait d’un rien pour que le danger encore flou, celui qu’on ne voit pas ou qu’on ne veut pas voir, prenne forme ou disparaisse.

La réussite du film tient également au couple adultérin etconfirme – s’il le fallait – le talent de Léa Seydoux et Tahar Rahim, lumineux et sombres à la fois. Lui avec un jeu juste et des sentiments jamais feints, elle avec une beauté et un charisme qui éclatent malgré un look prolo aguicheux peu avantageux, à base de mascara bleu électrique, d’un shorty et d’un body vulgaires et de cheveux courts tirés en arrière.

Malgré la métaphore un peu facile de la toxicité de l’atome et de l’amour (et le peu subtil passage de la chanson Maladie d’amour), certaines scènes appuyées (ralentis inutiles) et une fin qui tombe un peu à plat, Grand Central est un film puissant, hypnotique, mêlant une réalité sombre et une histoire d’amour avec une intensité rare.

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Grand Central, de Rebecca Zlotowski, 2013, 1h34, couleur. Avec Léa Seydoux, Tahar Rahim, Olivier Gourmet et Denis Ménochet. Sortie en salles ce mercredi 28 août.

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