Si l’étiquette “musique contemporaine” a longtemps fait fuir un public insensible à l’esthétique parfois froide et désincarnée du genre, le festival Superspectives bouscule les cadres et nous fait découvrir la création musicale de notre temps sous un jour nouveau : séduisante, moins académique, plus sexy en somme...
C’est le pari gagné de l’équipe artistique du festival Superspectives qui, partie de trois fois rien, attire aujourd’hui un public plus jeune, composite et décontracté autour des musiques d’avant-garde.
Quelques mois après la délicieuse opération Piano Underground dans l’amphi de l’opéra de Lyon en janvier dernier – qui, rappelons-le, proposait une semaine durant un panorama audacieux et frivole consacré au piano contemporain sous toutes ses formes –, François Mardirossian (pianiste) et Camille Rhonat (professeur de philosophie), co-directeurs de Superspectives, embrayent sur la cinquième édition du festival qui se tiendra, comme de coutume, dans le cadre bucolique des jardins de la maison de Lorette, en contrebas de Fourvière.
Éclectique, accessible, la programmation de Superspectives se décline en deux axes. Alors que les concerts à proprement parler se dérouleront sur la terrasse sud des jardins de Lorette, payants mais à des tarifs très abordables, la terrasse nord accueillera quant à elle tout un tas de petites manifestations gratuites et moins cérémonieuses (DJ sets…) qui permettront aux curieux d’écouter des pièces exigeantes en toute décontraction – et pourquoi pas autour d’un verre. Une transposition astucieuse de l’espace chill out des festivals électros…
Comme une sensation de dépaysement
Côté sud, la programmation balaye large, avec toujours cette coloration propre à Superspectives qui fait la part belle aux esthétiques attenantes au minimalisme – ce courant du XXe siècle regroupant des compositeurs comme Steve Reich, Terry Riley, Philip Glass, John Cage…
L’un des premiers concerts prendra d’ailleurs la forme d’un récital de piano – assuré par François Mardirossian himself –, intitulé Satie Day Night Fever, au cours duquel notre concertiste maison interprétera une trentaine de pièces liées de près ou de loin au minimalisme (dont Erik Satie, au cœur du programme, est souvent considéré comme le père spirituel). Un menu gargantuesque et fourre-tout mobilisant John Cage, Ryuichi Sakamoto, beaucoup d’inconnus et de pièces humoristiques au passage.
Si les musiques minimalistes ou apparentées sont particulièrement à l’honneur – avec comme point d’orgue le concert de la légende underground Charlemagne Palestine en solo sur l’orgue de la basilique de Fourvière –, l’accent est mis tout au long du festival sur la rencontre des genres.
Folk expérimental et électro avec le duo Emmanuelle Parrenin et Arandel, Bach et traditions arméniennes pour la violoncelliste et chanteuse Astrig Siranossian, médiéval, jazz (Thelonious Monk), musique éthiopienne (Sosena Gebre Eyesus), les Vingt Regards sur l’Enfant Jésus d’Olivier Messiaen disséqués par six pianistes : pas de place ici pour les sentiers battus. Et même une petite note politique avec l’hommage à Frederic Rzewski autour de la mutinerie dans la prison d’Attica en 1971 qui fit suite à l’assassinat du militant Black Panther George Jackson.
Côté terrasse nord, en plus des DJ sets thématiques en plein air, la chapelle des jardins de Lorette se transformera en “chapelle magnétique” : une chambre d’écoute taillée sur mesure pour les répertoires les plus pointilleux (Luc Ferrari, Jonathan Harvey, Pierre Henry…).
Superspectives – Du 16 juin au 2 juillet, à la maison de Lorette (Lyon 5e) https://superspectives.fr