Nous nous sommes entretenu avec l’autrice Marion Aubert et le metteur en scène Julien Rocha. Ils présentent au théâtre des Célestins Surexpositions (Patrick Dewaere), un spectacle poignant qui revisite, à sa manière, la vie et l’œuvre du comédien.
Lyon Capitale : Marion Aubert, qu’est-ce qui vous amenée à vous intéresser à Patrick Dewaere et à écrire cette pièce Surexpositions (Patrick Dewaere)*?
Marion Aubert : Il s’agit d’une commande que m’a faite Julien Rocha. Je le connais depuis des années, j’avais déjà travaillé avec lui, pour sa compagnie, Le Souffleur de verre.
Le sujet vous a séduite tout de suite ?
M. A. : J’avais vu bien sûr Les Valseuses et deux ou trois films de lui. Mais je n’avais pas de vénération à l’égard de Patrick Dewaere. Julien savait parfaitement, en faisant appel à moi, que je ne ferais ni une hagiographie ni un documentaire et encore moins un biopic.
Il fallait trouver des hypothèses de travail. La première a été : Patrick Dewaere comme l’un des premiers vacillements du patriarcat. Puisqu’à cette époque [années 70, NdlR], on voyait beaucoup de figures masculines viriles comme Gabin, Ventura… Auxquelles Patrick Dewaere ne correspondait pas du tout. Ensuite, ce qui m’a intéressée, c’est de mettre en avant le dialogue avec les œuvres, les films. Même s’il n’y a pas de citations dans le spectacle, on croit reconnaître des scènes mais c’est en réalité autre chose.
Tout a été réécrit, interrogé. Et puis il y a cette liberté jouissive qu’il incarnait dans une France pompidolienne. Et surtout, c’était l’occasion de se pencher, à travers lui, sur l’art de l’acteur, sa manière incroyable d’investir ses rôles, cette façon toujours borderline de tout mélanger, ses rôles, sa vie. Jusqu’au tragique. Ce sont les différents fils dramaturgiques que j’ai tissés.
“il y a cette liberté jouissive qu’incarnait patrick Dewaere dans une France pompidolienne”
Lyon Capitale : Vous vous êtes beaucoup documentée ?
M. A. : Énormément ! Pour, comme toujours, tout oublier, mentir, trahir… Ce n’est pas tant Patrick Dewaere qui nous a intéressés mais ce qu’il incarnait. J’ai vu et revu toute sa filmographie. Au début, on voulait évoquer plus de films mais on a resserré sur Les Valseuses, La Meilleure Façon de marcher, Série noire. Son parcours m’a profondément passionnée. Aujourd’hui encore, même dans la jeune génération, certains s’en revendiquent.
Lyon Capitale : Julien Rocha, pour la mise en scène, comment avez-vous procédé ?
Julien Rocha : Nous nous sommes laissé traverser par les films de référence de Patrick Dewaere. Mais à aucun moment, l’idée n’a été de copier jusqu’à la moindre intonation, le moindre mouvement de sourcil. Nous nous sommes dit que nous ne citions pas les œuvres mais qu’on leur adressait un salut, que l’on dialoguait avec elles, des décennies plus tard, en 2022.
De toute façon, il n’était pas question de reproduire quoi que ce soit, les droits à l’image sont bien trop élevés ! On est resté dans notre domaine, celui de la théâtralité. C’est d’ailleurs pour ça que l’on parle beaucoup du café de la Gare, où il a débuté. C’est une figure qui revenait depuis des années dans le travail de la compagnie. C’est un acteur qui nous a fait grandir. Les comédiens (Margaux Desailly, Fabrice Gaillard, Johanna Nizard, Cédric Veschambre) sont formidables. Mais il y a aussi le régisseur plateau, Clément Breton, qui intervient sur scène, dont le travail est essentiel.
Surexpositions (Patrick Dewaere) – Du 13 au 23 octobre aux Célestins Théâtre de Lyon
*Éditée par Actes Sud-Papiers
Pour ceux qui le découvre, voir le film Le Juge Fayard dit « le Shériff » (1977) où il incarnait le juge Renaud assassiné en 1975 par la mafia lyonnaise au bas de son immeuble de Lyon 9°