Ariane Mnouchkine sera à Lyon en juin avec Le Théâtre du Soleil pour présenter L’Île d’Or, son dernier spectacle, créé à la Cartoucherie de Vincennes en novembre 2021. Un événement.
En pleine crise covid, alors que la vaccination peinait à se mettre en place en France, Ariane Mnouchkine n’avait pas mâché ses mots. Elle s’était adressée ainsi aux membres du gouvernement : “Faites votre métier, arrêtez de jouer de la flûte. Faites votre devoir.” Ajoutant même, dans cette tribune qui avait alors secoué le cocotier : “Cessez de surveiller nos cabas, nos déplacements, nos verres, nos fêtes, nos places et nos rues et retrouvez vos vraies missions de gardiens de la paix.” C’était envoyé !Peut-être un peu trop d’ailleurs…
Mais Ariane Mnouchkine n’a jamais cessé d’être un esprit libre. Et du caractère, il en faut pour atteindre un tel niveau de célébrité, de reconnaissance.
À 82 ans, c’est une sorte de monstre sacré, une des rares survivantes (avec Peter Brook) de cette génération de metteurs en scène qui s’est fait connaître dans les années 70. Et même dans les années 60, puisque sa compagnie, Le Théâtre du Soleil, a été fondée en 1964 !
Avec des principes régissant le fonctionnement de la troupe qui ont marqué les esprits : même salaire pour tous, maquillage en public, soupe servie aux spectateurs, Ariane Mnouchkine déchirant elle-même les tickets au contrôle de l’entrée… Même si c’est grâce au cinéma, et notamment à son film Molière (dont Philippe Caubère interprétait le rôle-titre), orti en 1978, qu’elle a pu toucher un public encore plus large.
Grande dame
Bref, Ariane Mnouchkine est une grande dame. Chacun de ses spectacles est un événement attendu non seulement par les passionnés de théâtre mais aussi par un plus large public, qui mélange allègrement les générations, les couleurs de peau et les origines.
Chose normale quand on songe à la dimension universaliste et à la générosité de son théâtre. Il suffit de se rappeler de certains de ses spectacles tels Tambours sur la digue (accueilli par les Subsistances en 2000) ou Le Dernier Caravansérail (spectacle conçu à partir de témoignages d’immigrés clandestins programmé par les Célestins en 2005) pour s’en convaincre. Ses créations sont des fresques où se mêlent poésie et onirisme tout en restant étroitement liées au monde d’aujourd’hui, tel qu’il va mal.
L’Île d’Or ne fait pas exception à la règle. D’autant que pour sa conception, Ariane Mnouchkine a fait appel à ses complices habituels. L’écrivaine Hélène Cixous pour les textes et Jean-Jacques Lemêtre pour la musique.
L’histoire commence avec Cornélia, une malade du Covid-19 (sorte de double d’Ariane Mnouchkine, qui a eu elle-même le Covid-19 au début de l’année 2020). Elle rêve dans son lit d’hôpital à une île japonaise où doit se tenir un festival du “présent lumineux”. Une île-havre, une utopie pour des artistes qui “résistent aux forces du mal”.
Le festival que Cornélia/Mnouchkine imagine est en effet menacé par des spéculateurs avides qui prévoient d’assécher le port de pêche pour y construire un casino. Le spectacle a donc une dimension autobiographique assumée puisque c’est au Japon, en 1963, que la vocation théâtrale de la toute jeune Ariane Mnouchkine s’est affirmée. Tout comme sa volonté – plus politique – de combattre l’injustice et les inégalités en donnant la parole aux plus déshérités. Ne serait-ce que pour rêver, le temps de la représentation, à un monde plus fraternel…
Toute l’équipe du Théâtre du Soleil s’installe à Villeurbanne pour trois semaines avec une cantine sur la place Lazare-Goujon qui accueillera les spectateurs.